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religion chrétienne : l’une qui célébrait le mariage et maudissait la stérilité, l’autre qui tolère et sanctifie le mariage, mais qui célèbre surtout la virginité.

Ces récits, qui ont passé des apocryphes dans la littérature du moyen-âge, ces traditions sur la naissance miraculeuse de la Vierge, ont contribué à la doctrine de l’immaculée conception, qui, au moyen-âge, a si vivement agité les esprits. La naissance de la Vierge est devenue presque aussi divine que celle de Jésus-Christ, et l’idée de pureté virginale contenue dans l’incarnation a paru remonter ainsi de la Vierge à sa mère ; c’est à peine si, dans les docteurs du moyen-âge, cette idée s’arrête à la mère de la Vierge.

Dans le poème de Gerson intitulé Josephina, nous retrouvons quelques-uns des traits caractéristiques de la poésie de Roswitha, quoiqu’ils soient déjà altérés par la marche du temps. La foi est moins simple ; elle est plus savante, plus subtile, plus raisonneuse ; elle se sent du règle de la scolastique. Il y a aussi plus d’allégorie, et une allégorie plus profonde et plus curieuse. Gerson paraphrase les miracles qu’il trouve dans les apocryphes plutôt qu’il ne les raconte. L’éloquence et l’allégorie cachent le récit et le gâtent. Citons-en quelques exemples.

Dans l’Évangile apocryphe de saint Jacques Mineur, saint Joseph, la Vierge et l’enfant, pendant leur voyage en Égypte, rencontrent deux larrons qui veulent les dépouiller ; mais l’un d’eux, ému de pitié, dit à son compagnon : « Je te prie de les laisser aller. » Dummacus (c’est le nom de l’un des larrons) résiste à la prière de Titus (c’est le nom de l’autre), et Titus insistant, « prends, dit-il à son compagnon, prends ces 40 drachmes et ma ceinture, et laisse-les passer. » La vierge Marie remerciant ce larron, Jésus dit à sa mère : « Dans trente ans, ô ma mère, quand les Juifs me crucifieront à Jérusalem, ces deux larrons seront attachés avec moi, Titus à ma droite, et Dummacus à ma gauche, et Titus, converti, entrera avec moi dans le paradis. » Ce récit naïf montre comment, dès les apocryphes, les différentes scènes de la vie de Jésus-Christ, depuis son enfance jusqu’à sa mort, essayaient, pour ainsi dire, de se grouper et de se combiner, pour faire une épopée régulière, dans laquelle tous les personnages auraient le même rôle et le même caractère, depuis le commencement jusqu’à la fin[1].

Plus loin, ce sont d’autres dangers que rencontrent les voyageurs : ici, des dragons qui sortent d’une caverne ; mais Jésus, descendant des bras de sa mère se tint debout devant les dragons, qui l’adorèrent et rentrèrent dans la cavernes là, des lions et des tigres qui viennent l’adorer et qui l’accompagnent dans le désert, précédant Joseph et Marie,

  1. …Servetur ad imum
    Qualis ab incepto processerit… (Horace, Art poétique.)