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nalité et encouragent les sacrifices individuels dans l’espérance d’une rémunération ultérieure. Cette munificence nationale devait coûter 1,228,000 livres ou environ 30 millions de francs ; Pitt les demanda à un emprunt déguisé sous la forme d’une loterie. Encore une difficulté qui paraissait insoluble en 1783 et qui se trouvait aplanie.


IV.

Ces réparations successives, en ajoutant de nouvelles charges aux dépenses ordinaires de l’état, ajournaient toujours le moment où pourraient enfin se réaliser les promesses du comité de 1786. Si les recettes conservaient le mouvement ascensionnel qui leur avait été imprimé par l’énergie du premier ministre, elles ne pouvaient pas monter aussi vite que les dépenses. Chaque jour, en quelque sorte, se révélait un nouvel arriéré du passé à solder, un nouveau besoin du présent à satisfaire. Pitt suffisait à tout avec un rare bonheur de ressources ; mais, quoi qu’il fît, son équilibre se rompait toujours par quelque côté. On a déjà vu qu’il était lui-même le premier à proposer les dépenses additionnelles qu’il croyait utiles. Ainsi encore, quand les subsides annuels furent votés pour 1789, il demanda pour la marine deux mille matelots de plus que l’année précédente, et pour les fortifications un crédit extraordinaire de 36,000 liv. sterling. Ces deux dépenses, qui venaient dépasser encore les crédits déjà dépassés du fameux budget normal de 1786, n’étaient pas absolument nécessaires, mais elles devaient améliorer l’état général de défense du pays. Devant de pareilles considérations, Pitt n’hésitait pas.

En même temps, il fut contraint d’accepter une réduction dans les voies et moyens. La taxe des boutiques (shop tax) avait été extrêmement impopulaire dès son établissement en 1785. Les marchands de Londres, Westminster et Southwark, qui en payaient à eux seuls les trois quarts, adressaient de nombreuses pétitions à la chambre des communes pour en être délivrés. Fox présentait régulièrement tous les ans une motion d’abolition ; mais jusque-là Pitt avait résisté avec succès, quoique la majorité qui le soutenait ne fût pas aussi forte sur cette question que sur les autres. Au commencement de la session de 1789, Fox renouvela ses attaques ; il fut soutenu par son collègue pour Westminster, lord Townshend, et par les représentans de Southwark et de plusieurs grandes villes qui avaient reçu, à cet effet, un mandat spécial de leurs commettans. En présence de cette manifestation de l’opinion publique, Pitt dut céder. S’il s’était refusé jusqu’alors à la suppression de cette taxe, c’est qu’il avait toujours pensé, dit-il, qu’elle était payée en définitive, non par le marchand, mais par le consommateur ; il reconnaissait cependant que l’expérience n’avait pas été favo-