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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

l’établissement de Nootka-Sound sur la côte occidentale de l’Amérique du Nord ; la prétention de l’Angleterre finit par l’emporter sans combat ; mais de nouveaux armemens avaient été nécessaires pour soutenir les négociations. L’idéal présenté par le comité de 1786 semblait s’éloigner au moment où l’on se croyait le plus sûr de l’atteindre.

Ce qui aurait pu être pour Pitt l’occasion d’un échec fut pour lui, au contraire, le moyen d’assurer son succès définitif. La nation avait accueilli favorablement, malgré les critiques amères de l’opposition qui y voyait un abaissement de l’Angleterre devant l’Espagne, le traité qui avait mis fin à la querelle pour l’établissement de Nootka-Sound. Il n’était pas douteux que les voies et moyens pour subvenir aux dépenses extraordinaires des armemens de 1790 ne fussent votés sans difficulté par le parlement. Pitt profita de cette occasion pour liquider autant que possible, en une seule fois, les déficits accumulés des dernières années. Il évalua à 3,133,000 livres ou près de 80 millions de francs les frais extraordinaires de ces armemens. C’était beaucoup pour le temps : les frais extraordinaires de l’armement de 1787 avaient été évalués par Pitt lui-même bien au-dessous de ce chiffre ; aussi est-il permis de croire qu’il y comprit une bonne partie de l’arriéré. Quoi qu’il en soit, toujours soigneux de ménager le crédit public, il voulut combler ce déficit sans emprunt, et voici comment il s’y prit. L’état versait tous les trois mois à la banque les sommes nécessaires au paiement des intérêts de la dette ; un certain nombre de rentiers négligeant de retirer leurs arrérages, il restait tous les ans sur ces versemens une somme sans emploi ; l’ensemble de ces excédans s’élevait déjà à 660,000 livres. Pitt proposa d’y prendre un demi-million de livres pour subvenir aux dépenses urgentes ; le reste devait être provisoirement supporté par la dette flottante, et, pour payer l’intérêt de cette dette et en éteindre progressivement le capital, Pitt eut recours à son moyen favori, l’aggravation des taxes.

Il ne proposait pas, cette fois, de créer des taxes nouvelles, mais d’élever momentanément quelques-unes des anciennes, comme celles sur le sucre, les spiritueux anglais et étrangers, le malt, etc. Il proposa en même temps de nouveaux moyens de surveillance pour prévenir la fraude sur la taxe des quittances et effets de commerce. Il avait calculé que, par ces ressources, la dette entière qu’il avait avouée serait comblée en quatre ans, capital et intérêts. Il devient presque inutile de dire que ces diverses propositions furent accueillies presque sans modifications. Les années 1790 et 1791 passèrent ainsi sans nouvel emprunt. Grâce au progrès constant des recettes et au maintien de la paix, Pitt put faire servir ces deux années à combler peu à peu tous les vides qui restaient encore dans son budget. L’amortissement, qui n’avait été jusqu’alors qu’une fiction, commença en 1791 à devenir