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sur son règne le lustre de la poésie et des arts, de donner des successeurs à Shakspeare, de faire construire des temples et des palais par Inigo Jones, et de faire peindre des galeries par Rubens et par Van Dyck. Même en Angleterre, bien des circonstances l’invitaient à augmenter ses prérogatives. Son père, Jacques Ier, avait cédé habituellement aux remontrances des communes, mais il avait réservé dans toutes ses concessions les privilèges du droit divin, et il avait toujours affecté de déclarer que les pouvoirs du parlement n’étaient qu’une délégation de l’autorité royale, que celle-ci gardait le droit de retirer à son gré. Les théologiens de l’église anglicane proclamaient sans cesse le caractère divin de la royauté, et prescrivaient comme un devoir religieux la soumission au prince. Toutes les formules, toutes les cérémonies, le langage officiel du parlement dans ses rapports avec le souverain, inspiraient le plus humble respect de la dignité royale. En cherchant à s’affranchir du contrôle du parlement, Charles Ier ne semblait obéir qu’aux plus légitimes dictées de sa conscience et de sa gloire.

C’est ainsi que la justice instinctive des peuples absout quelquefois les hommes dans lesquels s’incarnent des causes condamnées ; c’est pour cela que les Anglais, en se félicitant de l’échec des Stuarts, ont gardé pour ce nom une pieuse compatissance : c’est faire à une nation trop d’injure, à l’influence des écrivains trop d’honneur, de croire que Hume et Walter Scott ont pu inspirer un tel sentiment aux Anglais abusés, et que M. Macaulay pourra l’éteindre. Pour le bonheur de l’Angleterre, Charles Ier n’eut que les ambitions de la royauté sans en avoir les forces ni le génie. S’il avait eu autant de ressources dans l’esprit que de fierté dans le cœur ; s’il avait su se conduire assez diplomatiquement avec les communes pour obtenir d’elles de l’argent et une armée ; si, prince protestant, il était intervenu dans la guerre de trente ans pour défendre le mari de sa sœur, comme le firent Gustave-Adolphe et Richelieu ; s’il avait gagné dans une pareille entreprise la popularité religieuse et la renommée militaire ; s’il était rentré en Angleterre avec des troupes aguerries et fidèles, c’en était fait des libertés anglaises : un trône absolu, au lieu d’un échafaud, se serait élevé à Whitehall ; l’aristocratie anglaise eût changé de caractère, et fût devenue noblesse de cour, et aujourd’hui peut-être, comme les nations continentales qui n’ont pas su empêcher dans leur sein la fondation du despotisme, l’Angleterre poursuivrait, au milieu des ruines sociales et politiques, une révolution ténébreuse et sanglante.

Toute la force et tout le talent furent au contraire dans le camp de la liberté : le patriotisme dans Hampden, l’audace et l’éloquence révolutionnaire dans Pym, le génie dans Cromwell, et débordant derrière ces grands hommes, les masses inquiètes de leur liberté politique,