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jalouses de leur liberté religieuse, embrasées de toutes les fièvres de l’esprit de secte. Cependant le premier choc de la royauté et des partisans de la liberté terminé par le supplice du roi, le renversement de la vieille constitution et l’établissement du commonwealth laissa encore à recommencer le duel du pouvoir royal et des institutions libres. La guerre civile fut une confuse mêlée, une charge furieuse om les deux ennemis se percèrent d’outre en outre. Ils tombèrent ensemble, et sur eux se dressa la tyrannie glorieuse, mais oppressive et haïe, d’un grand homme. Quand Cromwell mort laissa tomber à son tour l’épée qui dans ses portraits allégoriques embroche les trois couronnes, la vieille royauté et la vieille liberté se relevèrent et se réconcilièrent un moment dans la restauration. Il se trouva que l’expérience terrible de la guerre civile et de la république n’avait profité qu’aux partisans de la liberté, car elle les rendit modérés. Les fils de Charles Ier reprirent le pouvoir royal sans condition ; les limites où devait s’arrêter leur autorité n’étaient pas mieux fixées qu’avant la lutte révolutionnaire ; les souvenirs odieux qu’avait laissés la république semblaient leur assurer pour long-temps la docilité du peuple. L’unique garantie des libertés publiques resta le parlement et la nécessité où était la couronne d’obtenir le vote du parlement pour lever les revenus de l’état ; mais, à cette époque le parlement votait le revenu pour toute le durée de la vie du roi, la chambre des communes était élue également pour la durée du règne : si cette chambre lui était favorable, le roi pouvait la garder tant qu’il vivait ; il pouvait la proroger et gouverner sans parlement tant qu’il n’avait pas besoin de nouvelles ressources financières. Si elle lui était hostile, il avait le droit de la dissoudre. Si faible qu’elle fût, cette entrave fut insupportable aux Stuarts restaurés. Ils avaient gardé tous les préjugés du droit divin ; ils s’étaient enivrés en France du spectacle grandiose de la royauté de Louis XIV ; le dernier, Jacques II, avait adopté le catholicisme, religion antipathique au peuple anglais. Il était donc dans l’inévitable destinée des Stuarts de continuer les agressions de la royauté contre les libertés du peuple.


II

La lutte de Charles Ier et du long parlement donna naissance aux deux grands partis qui ont jusqu’à ce jour divisé la nation et les chambres anglaises, et qui, par le balancement de leurs forces et de leurs victoires alternatives, ont constamment maintenu cet heureux équilibre d’ordre et de liberté, de conservation et de progrès, par lequel ont grandi le génie et la fortune de ce peuple privilégie. Ils s’étaient appelés cavaliers et têtes-rondes du temps de la guerre civile.