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intellectuelle et morale du pays aussi bien que son activité maritime et commerciale, la cour, la haute aristocratie, le clergé instruit et éloquent, les poètes et les hommes de lettres ; la province ne compte que par ses squires, son clergé et ses yeomen.

Le squire, le gentilhomme campagnard du XVIIe siècle, était bien loin du country-gentleman instruit, élégant, accoutumé à tous les raffinemens de la vie, poli par les voyages, que nous rencontrons dans le parcs splendides et les nobles résidences de l’Angleterre actuelle. La gentry de la fin du XVIIe siècle n’était pas riche. Les plus grandes fortunes de ce temps étaient celles du duc d’Ormond, qui avait 22,000 livr. sterl. de rente, du duc de Buckingham, qui en avait 19,000, et du duc d’Albemarle, qui en avait 15,000. Des revenus pareils, peu rares et souvent dépassés à présent, étaient alors considérés comme une opulence suprême. Le revenu moyen d’un squire était estimé de 8 à 900 livres. Resserré par la modicité de ses ressources, le squire donnait rarement à ses enfans une éducation littéraire, allait fort rarement à Londres, où son accent, son costume, sa naïveté, son inexpérience, l’exposaient aux railleries des citadins et aux coups de main des escrocs. Il ne mettait de sa vie le pied sur le continent. Il vivait au milieu des occupations et de plaisirs rustiques, des mâles et bruyantes joies de la chasse et de la table. Sa vie morale était partagée entre deux sentimens, l’orgueil et la haine. Le squire était vain de son nom, des exploits de sa famille dans la guerre civile, de sa vieille épée de cavalier, de sa dignité de magistrat de paix, de son grade dans les trainbands (c’était le nom de la milice du comté) : voilà pour l’orgueil. Voici pour la haine : le squire haïssait les Français et les Italiens, les Écossais et les Irlandais, le papistes et les presbytériens, les indépendans et les anabaptistes, le quakers et les juifs ; il avait pour Londres et les Londoniens une aversion jalouse ; il accusait l’ingratitude du roi, il maugréait contre les maîtresses et les favoris ; mais, la royauté était-elle en danger, l’humeur frondeuse du gentilhomme campagnard s’évanouissait dans un ressouvenir électrique de la vieille loyauté, dans un aveugle et admirable élan de dévouement au trône. Il n’y avait qu’une chose que le country-gentleman mît au-dessus même de la royauté légitime c’était l’église d’Angleterre.

Le clergé de campagne était une classe aussi importante que la gentry par son influence, quoique bien inférieure au point de vue de la condition sociale. Au XVIIe siècle, le clergé ne se recrutait guère que dans les derniers rangs de la société. L’église était pauvre ; les classes élevées n’y trouvaient pas des carrières assez apanagées, et abandonnaient le ministère ecclésiastique aux plébéiens. En général, le fils de paysan qui était parvenu à prendre les ordres entrait au service d’un squire en qualité de chapelain. Après avoir, pendant plusieurs