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catholique des sympathies obéissantes et fidèles. Il avait, dans ce dessein, donné à Talbot, devenu comte de Tyrconnel, le gouvernement de l’Irlande. Après le procès des évêques, se défiant de ses troupes anglaises, il fit venir des régimens irlandais en Angleterre. Cette mesure exaspéra la fierté anglaise : c’était comme s’il avait appelé l’étranger pour comprimer ses sujets, comme s’il avait la pensée de faire conquérir l’Angleterre par l’Irlande. Un dernier événement mit le comble à l’impatience et à la désaffection publiques. Jusque-là, les tories et le clergé étaient résignés à supporter le joug de Jacques II que d’abandonner le principe du droit monarchique. Ce n’était, après tout, qu’un mauvais règne à passer. Jacques mourrait. Il serait remplace par sa fille Mary, épouse de Guillaume d’Orange, connue pour son attachement pieux à l’église anglaise : de beaux jours s’ouvriraient alors pour l’Angleterre, associée glorieusement à la politique d’un grand homme ; mais tout à coup cette perspective fut enlevée à la fidélité patiente des tories et de l’église. La seconde femme de Jacques II accoucha d’un prince de Galles ; l’héritage des trois royaumes appartenait dès-lors à un enfant catholique, et, après lui, à une suite illimitée de rois catholiques. D’une situation qui n’était qu’une souffrance passagère, la naissance du prince de Galles faisait un danger permanent et une oppression à laquelle on n’entrevoyait plus de terme On ne pouvait plus renvoyer à l’avenir la solution naturelle et pacifique de la lutte actuelle ; il fallait sur-le-champ prendre un parti.

Alors intervint Guillaume d’Orange. Pour lui aussi, la situation était complètement changée par la naissance du prince de Galles. Depuis long-temps, l’opposition s’était tournée vers lui ; mais, tant que sa femme était restée l’héritière désignée de la couronne d’Angleterre, tout en blâmant au fond la politique de Jacques II, il ne s’était associé par aucun acte à l’opposition anglaise. Il s’était efforcé en vain de prévenir l’expédition de Monmouth, car Monmouth, en se proclamant roi, menaçait ses droits autant que ceux de son beau-père. Plusieurs fois, il avait été invité par les whigs violens à passer en Angleterre : il avait refusé, car il était contraire à ses intérêts d’affaiblir par la révolte le pouvoir royal, qui, devant appartenir un jour à sa femme, arriverait dans ses mains. La position et les plans de Guillaume furent bien différens, lorsqu’il se vit séparé du trône par le prince de Galles. La couronne d’Angleterre était un objet secondaire dans l’ambition de Guillaume ; elle n’était pas le but, elle était le moyen, mais un moyen sur lequel il avait toujours compté. Le prince d’Orange était avant tout l’ennemi, corps à corps, génie à génie, de Louis XIV ; le froid, pâle, maladif, mais patient et opiniâtre descendant de Guillaume-le-Taciturne était le chef de la résistance européenne contre le débordement de la puissance française sur l’Europe : c’était sa mission, il n’en recherchait point d’autre. Dans les coalitions qu’il ourdissait sans cesse