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Le Marquis.

Je dis ce que je pense. Mais quelle idée vous a prise de faire cette galanterie à Jean ?

La Marquise.

Le pauvre garçon a un rhume perpétuel ; comme je n’ai rien de mieux à faire, je lui tricote ce petit objet de votre admiration : est-ce que cela vous contrarie ?

Le Marquis.

Que vous soyez toute bonne, comme vous êtes toute belle ? Non, en vérité.

La Marquise.

J’en suis ravie au fond de l’ame.

Le Marquis.

Seulement, vous vous fatiguez les yeux avec vos bonnes œuvres, et je vous prie de les ménager, madame, si ce n’est pour vous, du moins pour moi, qui les regarde souvent, et qui en rêve toujours.

La Marquise.

Vous êtes ce soir d’une humeur agréable, à ce que je vois ?

Le Marquis.

Hélas ! je suis ce soir, comme toujours, amoureux de vous, malgré le ridicule que l’on voit à ces sortes de choses.

La Marquise.

N’en mourrez-vous point ?

Le Marquis.

Vous êtes surprenante. Pourquoi ne serais-je pas amoureux de vous, voyons ? N’êtes-vous point la plus jolie du monde ?

La Marquise.

Je ne vous dis pas le contraire ; mais j’ai l’honneur d’être votre femme, et c’est là, à vos yeux du moins, un inconvénient fort capable d’annuler toutes mes belles qualités.

Le Marquis.

Oh ! oh ! Et la raison de cette déraison que vous me prêtez ?

La Marquise.

Bah ! on s’habitue à tout, et c’est, je suppose, pour que je ne m’y habitue point que vous êtes si sobre à l’ordinaire des choses gracieuses que vous me prodiguez ce soir. Mais où allez-vous donc, sans indiscrétion, avec cette toilette écrasante ?

Le Marquis.

Je vais à mon cercle. Mais, pour en revenir à vos provocations…

La Marquise.

À votre cercle ? Vous n’avez pas coutume d’y aller en si brillant équipage ?