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Le Marquis.

C’est une tenue de rigueur aujourd’hui ; on nous présente un grand seigneur étranger, un petit souverain de je ne sais quel pays.

La Marquise.

Péruvien peut-être ?

Le Marquis.

Pourquoi Péruvien ?

La Marquise.

Parce que, lorsqu’on vient de si loin, il est fort commode de se faire passer pour ce qu’on veut. Personne n’est tenté d’y aller voir. — Est-il marié, ce cacique ?

Le Marquis.

Vous y tenez. Marié ? Je ne sais. Pourquoi cette question ?

La Marquise.

C’est que je ne recevrais pas sa femme, je vous en avertis. Je suis fatiguée des étrangers en général, et en particulier des étrangères. Ne pensez-vous pas comme moi qu’il ne nous vient pas grand’chose de bon de ces régions-là ? À quelle heure faut-il que vous soyez à ce cercle ?

Le Marquis.

Mon Dieu, vers neuf heures, je pense. Est-ce que vous me renvoyez ?

La Marquise.

Comme vous voudrez.

Le Marquis.

Avouez au moins que c’est mal reconnaître mes frais d’amabilité.

La Marquise.

Ne vous mettez pas en dépense sur cette matière : cela deviendrait inquiétant. Je finirais par croire que si vous me jetez aux yeux tant de poudre d’or, c’est qu’il vous paraît urgent de m’aveugler.

Le Marquis.

Bon Dieu ! me feriez-vous la grâce extrême d’être un peu jalouse ?

La Marquise.

Si je l’étais, je ne vous le dirais pas, je vous le prouverais.

Le Marquis.

Et de quelle façon, s’il vous plaît ?

La Marquise.

Mais en vous donnant, s’il vous plaît, d’excellentes raisons d’être jaloux de votre côté.

Le Marquis.

D’excellentes raisons, madame ?