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Aujourd’hui, toute incertitude a cessé ; en prenant le 1er janvier 1848 comme la date finale de l’histoire financière de la monarchie, rien n’est plus facile que de dresser son bilan et d’en faire la balance.

Voici le bilan du passé, tel que le présente M. le ministre des finances : « A la fin de l’exercice 1847, les découverts tombés successivement à la charge du trésor, dans le cours de huit années seulement, formaient un total de 897,764,093 francs, et le produit de la réserve de l’amortissement n’avait servi à les atténuer que dans la proportion de 442,249,115 francs[1]. » La conséquence se tire aisément : la monarchie de juillet est restée en déficit de 455,514,978 francs.

Quelles sont les causes de ce découvert ? M. le ministre en indique deux concurremment, et comme si elles avaient une part égale dans sa formation : l’extension des dépenses ordinaires et notamment de l’occupation de l’Algérie, et l’extension des travaux publics. Qu’est-ce à dire ? Est-ce que les revenus du trésor restaient annuellement au-dessous de ses services essentiels ? Etait-il obligé de créer des ressources extraordinaires pour payer les arrérages de sa dette, pour amortir la portion de cette dette qui était susceptible d’amortissement, pour entretenir son armée et sa flotte, pour tenir en bon état ses routes, ses ports, ses rivières et ses canaux, pour salarier l’administration, la diplomatie, la magistrature et le clergé, pour subvenir enfin aux dépenses de l’Algérie, et pour achever par la civilisation l’œuvre de la conquête ? S’il en eût été ainsi, nous le disons hautement, le dernier gouvernement eût manqué de prévoyance : au lieu de donner carrière à tant d’améliorations diverses que sollicitaient et que payaient, il est vrai, les progrès de la richesse nationale, il aurait dû renfermer sévèrement ses dépenses ordinaires dans la limite des revenus publics ; mais il n’en est rien : tous ces services, malgré leurs développemens, trouvaient des allocations suffisantes dans le budget des dépenses, et des ressources correspondantes dans le budget des recettes ; Sans doute, dans le cours de ces dix-huit années, qui ont eu tant de fortunes diverses, chaque exercice n’a pas pu se clore par une balance exacte ; mais les années les plus prospères ont défrayé les années moins favorisées, et au terme de cette longue liquidation on trouve, c’est M. le ministre des finances qui le déclare officiellement[2], que les services ordinaires de la monarchie n’ont laissé à la charge du trésor que 13,762,000 francs. 13,762,000 francs ! voilà donc, au lendemain de l’année la plus calamiteuse que la France ait supportée depuis trente années, tout l’arriéré d’un règne de dix-huit ans ! Qui l’eût dit en lisant les rapports du gouvernement provisoire ?

  1. Exposé des motifs du budget de 1850, page 8.
  2. Exposé des motifs du projet de règlement de l’exercice 1847, page 13.