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charge du dernier gouvernement : il a hérité de la dette de l’empire et de la restauration ; le reste est à sa charge. Au 1er janvier 1848, la dette flottante était de 630 millions[1]. La portion de cette dette contractée à cette époque par le dernier gouvernement était donc de 400 millions. Nous sommes bien loin du milliard. Veut-on savoir quelle était l’origine de cette dette ? Jusqu’à concurrence de 324 millions[2], elle supportait provisoirement la dépense des travaux publics ; le reste était consacré au service de la trésorerie : ce n’était donc en grande partie qu’une dette flottante passagère, car les versemens de l’emprunt affectés aux travaux publics allaient arriver pour l’éteindre.

Nous n’avons pas compris dans la dette flottante les fonds des caisses d’épargne placés en effets publics. En leur donnant ce caractère, M. le ministre des finances vient de changer la règle adoptée de tout temps dans son ministère. Cette règle est cependant bien facile à justifier. Les caisses d’épargne versent leurs fonds au trésor par l’intermédiaire de la caisse des dépôts et consignations. Si ces versemens étaient restés dans ses caisses, ils y auraient accumulé, à l’époque qui nous occupe, 355 millions. Cette énorme accumulation eût été ruineuse pour le trésor, qui en servait l’intérêt à 4 pour cent, et fatale au commerce, qui eût été privé d’une portion si importante du numéraire circulant. Le trésor pouvait bien recevoir les fonds des caisses d’épargne, mais il devait les employer. Il les employa en effet presque en totalité, en vertu d’autorisations législatives, tantôt en achetant sur le marché des fonds publics, ou des actions de canaux garanties par l’état, tantôt dans des emprunts directement faits par l’état et qui ont porté le nom de consolidation des fonds des caisses d’épargne. Par cette opération bien simple, le trésor recevait en rentes ou en dividendes l’intérêt qu’il payait aux déposans, et il rendait à la circulation les capitaux que l’épargne en avait momentanément retirés. Les versemens non employés restaient en compte courant au trésor ; ils formaient le fonds de roulement des caisses d’épargne, tantôt diminué par des retraits, tantôt augmenté par des versemens nouveaux. Le trésor était seul débiteur de ce fonds, qui figure dans les 630 millions de la dette flottante au 1er janvier 1848 ; il en servait les intérêts, il aurait dû en rembourser le capital sur ses propres ressources. Quant aux fonds employés, il en était garant, si on veut ; mais M. le ministre des finances n’abuse-t-il pas évidemment des termes en représentant ce placement comme une dette directe, et personnelle, comme un emprunt à découvert, et le gouvernement provisoire n’abusait-il pas de la crédulité publique en racontant l’histoire de ces placemens ordonnés par la loi comme une déplorable histoire ?

  1. Compte des finances pour 1847, pages 416 et 447.
  2. Ibid. 1847, page 388.