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février ; la seconde sera cette guerre de Hongrie, dans laquelle ils ont pris une part si héroïque et en même temps si désastreuse.

Pour peu que l’on remonte dans le passé, on s’explique l’antagonisme de la Pologne et de l’Allemagne. Ce n’est point la querelle particulière des Polonais et de tel ou tel état allemand, c’est la querelle héréditaire du Teuton et du Slave. Une nation qui semblait former l’avant-garde des races slaves à l’ouest et qui pénétrait au cœur de la race germanique, la Bohême, n’a-t-elle pas été, par son histoire, la preuve vivante, le premier témoignage des ambitions contraires des deux races. Tandis que l’influence germanique cherchait à s’étendre vers l’est et qu’elle s’avançait de ce côté sous le nom d’Autriche, les populations slaves étaient poussées par un instinct semblable vers l’ouest. C’est d’abord la Bohême qui essaie de déborder sur l’Allemagne ; mais les Bohêmes, introduits par ce fait même au sein de la race germanique, finissent par s’y oublier, au point de demeurer associés à ses destinées. L’Allemagne prend bientôt le dessus, et l’union devient pour la Bohême une servitude, servitude à la fois intellectuelle et religieuse. C’est alors que s’élève cette grande et profonde protestation nationale de la race tchèque contre l’Allemagne, l’hérésie de Jean Huss et la guerre de Ziska : Le germanisme l’emporte.

L’opposition des deux principes séparait dès le même temps les Polonais et l’Allemagne. Pendant que celle-ci, par les conquêtes de l’Autriche, étendait pas à pas ses frontières au sud, à travers la Hongrie et la Croatie, jusqu’au territoire des Serbes, elle se glissait au nord, le long de la Baltique, jusqu’au sein des provinces polonaises, par l’établissement de l’ordre teutonique, par les progrès du margraviat de Brandebourg, enfin par la formation du royaume de Prusse. Puis un jour vint où, après de longs préparatifs, profitant de l’effroyable discorde qui épuisait les Polonais, usant de supercherie plutôt que de violence, conquérans à peu de frais, la Prusse et l’Autriche conspirèrent avec la Russie pour le partage du royaume. Le germanisme dominait ainsi la Bohême, l’Illyrie et une large part de la Pologne. Les procédés administratifs auxquels il recourut pour consolider son facile triomphe en Pologne n’étaient pas de nature à apaiser l’antique animosité des deux races. Dès le lendemain du partage, il s’engagea entre la bureaucratie autrichienne ou prussienne et les populations de l’ancienne Pologne une lutte permanente et corps à corps, dans laquelle l’administration allemande mit tout son entêtement, et la race polonaise toute sa passion. Si, dans les grandes occasions, en 1831, en présence d’un courage que personne ne pouvait méconnaître sans cruauté, l’Allemagne libérale a montré quelque velléité de justice, c’est que la guerre des Polonais contre les Russes détournait alors de l’Allemagne l’action de la Russie. Cette sympathie était passagère. Lorsqu’enfin