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et fortes qui résultaient de l’accord de tous dans un libéralisme progressif, ces artisans de révolution s’employèrent et parvinrent à pousser la population de Prague à de tristes excès avant que le congrès eût achevé ses travaux. De là une insurrection où la force resta au pouvoir, de là le bombardement de Prague et la dispersion des membres de l’assemblée, qui, loin d’être pour quelque chose dans ce sanglant conflit, était la première à le déplorer amèrement.

La question si brusquement tranchée devait se poser de nouveau dans la diète de Vienne. À Vienne, les Slaves ne se trouvaient point dans les conditions les plus favorables au slavisme. Les Polonais et les Tchèques y étaient représentés : les provinces illyriennes de la Carinthie et de la Carniole, la Dalmatie, y avaient aussi leurs députés slaves ; mais les Croates, les Slavoniens, les Serbes et les Slovaques, liés par leur constitution à la Hongrie, n’avaient point entrée dans la diète de Vienne. Les Polonais et les Tchèques étaient ainsi, dans leurs ligues parlementaires contre le germanisme privés du concours du tiers des Slaves de l’empire. Et pourtant à peine les travaux constitutionnels de la diète avaient-ils commencé, que l’influence combinée des Galliciens et des Bohêmes se faisait sentir ; de jour en jour, elle devait s’accroître, jusqu’à l’époque de la révolution dernière, où les députations de la Bohême et celles de la Gallicie se virent en position de dominer les débats. Alors la diète de Vienne était guidée par M. Smolka, Polonais, qui n’avait de concurrent possible que M. Strobach, Bohème.

Bien des obstacles entravaient pourtant l’action parlementaire des Polonais. En présence des questions de principes soulevées par l’examen des réformes que la diète avait mission d’opérer, les opinions n’avaient pas su rester unies dans la pensée exclusive de la nationalité et du slavisme. Bientôt on avait vu des conservateurs et des démocrates suivre les erremens du radicalisme européen. Le parti conservateur était lui-même divisé ; il y avait les esprits éclairés et indépendans, qui savaient se rendre compte de leur conduite, plus les paysans dépourvus de toute éducation, nommés sous l’influence du cabinet autrichien, et qui n’étaient dans sa main qu’un instrument aveugle. Les conservateurs éclairés votaient souvent avec le cabinet, les paysans toujours. C’est dire assez que leurs résolutions ne venaient point d’eux-mêmes, qu’ils obéissaient à une impulsion étrangère, et étaient en définitive une gêne plutôt qu’un secours pour leurs concitoyens de la Gallicie. La députation polonaise était, donc affaiblie par ses propres divisions, et ces divisions mêmes devaient être parfois mie cause de refroidissement entre elle et la députation de la Bohème.

Encouragés sans doute par ces divergences d’opinions qui éclataient au sein du slavisme, les Magyars, dont la situation devenait critique, et les Allemands de Francfort avaient songé à se faire un point