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Soit. Laissons passer les soupçons, même capricieux, du fisc ; mais qu’au moins l’exception soit pour lui tout seul. Or, c’est ce qui n’est pas. La violation du domicile, en suivant la pente des lois fiscales, a fini par devenir une habitude pour la satisfaction de simples intérêts privés. Quoi ! un particulier, mon voisin, a le droit de faire violer ma maison par les agens de la force publique, de les promener dans mes appartemens, de me contraindre à leur ouvrir mes armoires, à leur laisser sonder ma cave, mes murailles ! Oui, assurément ; cela se peut et cela se fait. Il suffira que la volonté en prenne à tel de nos concitoyens qui filera du coton à Roubaix, qui tissera du calicot à Lille ou à Rouen, ou qui forgera de la quincaillerie en Alsace, ou qui cuira de la faïence dans l’un des quatre-vingt-six départemens, qui pourra se livrer enfin à la fabrication d’un quelconque des innombrables articles contre lesquels la convention et Napoléon, à l’époque où ils poursuivaient les Anglais jusque dans leurs marchandises, prononcèrent la prohibition. Sous prétexte que ces articles sont prohibés, il lui est permis de demander, et, s’il met de l’insistance à sa dénonciation, il est assuré d’obtenir que moi, qui suis commerçant à Paris, j’aie à subir une descente de commissaire de police entouré de nombreux agens qui mettront mon appartement sens dessus dessous, et ne me feront pas d’excuses en sortant. Cette manœuvre, qui atteste un si grand dédain des droits des citoyens, s’est opérée non-seulement dans de simples villages de la frontière où l’on pouvait soupçonner que des contrebandiers avaient fait un dépôt, mais à Paris, non une fois, mais chaque année, depuis 1840 surtout, non pas seulement chez des marchands en boutique, mais chez des personnes étrangères au commerce. Pendant ce temps, nous vantions à l’Europe nos libertés, et, ce qui est plus fort, l’Europe nous croit.

Mais je veux envisager la liberté d’un autre point de vue plus pratique encore, s’il est possible. Ce que j’ai à cœur de rechercher, c’est comment un citoyen américain, devenu homme, exerce ses facultés librement pour son propre avantage. Examinons dans ses mouvemens et ses efforts cet individu industrieux qui veut, par le moyen de son travail, se faire un patrimoine, une fortune. Suivons-le dans ses entreprises à partir de l’adolescence, et voyons jusqu’à quel point, pendant toute sa carrière active, la confédération, l’état, la société, lui laissent la liberté d’atteindre honorablement le but qu’il s’est proposé. Mettons en parallèle les facilités ou les obstacles que son pareil rencontrera en Europe, en France.


II. – LA LIBERTÉ DANS SES RAPPORTS AVEC LA LOI DU RECRUTEMENT.

Voici donc des sujets qui ont leurs vingt ans révolus. Ils ont fréquenté les écoles, ils ont fait un apprentissage ; le moment est venu où ils vont