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liberté, vos vieux ennemis forgeaient, pour le slavisme et par conséquent aussi pour vous, de nouvelles chaînes. Frères, examinez donc mieux nos actes, et vous vous convaincrez que nous travaillons au même but que vous. Polonais, c’est l’amour seul de la liberté qui vous a poussés à aller verser votre sang au pied des Apennins, sous les pyramides d’Égypte, et dans les steppes glacées de Moscou. Hélas ! partout on vous a trompés ; mais le frère ne tromperait pas son frère : pourquoi ne vous fiez-vous pas à nous ? Le. Slave est l’élu de l’ère nouvelle ; il doit en devenir l’apôtre après en avoir été si long-temps le martyr. Ainsi, Polonais, joignez-vous à nous, Tchèques, Moraves et Slovaques. Ne séparez plus votre cause de celle des Ruthniens ; des Serbes, des Croates, des Illyriens ; donnez la main à tous, vos frères que jusqu’à présent vous avez méconnus, et qui nous aiment… Dans cette ligue pour l’émancipation, votre Pologne, qui nous est si chère à tous, a pour mission de former le lien conciliateur entre notre liberté et celle des nations de l’Occident. »

Le slavisme tenait donc toujours ses bras ouverts à la Pologne, en dépit de la complaisance qu’une partie de la députation gallicienne avait montrée pour la révolution magyaro-germanique de Vienne ; mais les passions révolutionnaires furent plus fortes chez plusieurs Polonais que les sympathies de race. Si les plus clairvoyans d’entre les conservateurs avaient repoussé toute solidarité dans les affaires de Vienne ; les démocrates avaient goûté de la révolution ; ils s’en étaient enivrés durant le court triomphe des barricades ; ils avaient mêlé leur sang à celui du radicalisme allemand et des patriotes hongrois. Les imaginations qui s’étaient si complètement trompées avant l’insurrection n’étaient pas de tempérament à revenir sur leurs opinions après la défaite. La guerre comprimée à Vienne, ne pouvait-elle pas recommencer en Hongrie ? M. Kossuth le promettait. Si la guerre continuait en Hongrie, c’était la grande guerre ; elle avait de l’attrait non plus seulement pour les démocrates, mais pour les officiers et les généraux de l’émigration. Bem, qui avait commandé à Vienne, avait gagné miraculeusement le territoire de la Hongrie. Peut-être le bruit du canon éveillerait-il un écho de l’autre côté de Carpathes. Espérance aussi vaine que futile ! Elle faisait sortir la Pologne des conditions de la politique normale pour la jeter dans les aventures ; on allait jouer ainsi tout que l’on avait conquis depuis mars. Il est d’autant plus merveilleux que tout ne soit point encore perdu, qu’une fraction du parti conservateur a fini elle-même par céder à cette fatale séduction d’une guerre illustrée par Bem et Dembinski.

Si l’on doit faire à la démagogie une large part dans les fautes qui ont été commises par la Pologne, c’est aussi un devoir d’équité pour l’historien de considérer tous les prétextes que les gouvernemens germaniques