de Vienne et de Pesth, nous apercevions un général polonais, un homme qui eût été digne de commander pour la meilleure des causes, Bem, le futur héros de la guerre de Hongrie ?
Bem, ce n’était plus un fanatique du radicalisme, un esprit juvénile, un général formé dans les sociétés secrètes ; ce n’était plus le clubiste Mieroslawski se jetant parmi les Poznaniens pour faire parade de sa témérité ; c’était un général éprouvé dans plus d’une bataille, endurci aux coups du sort, et qui, sans avoir rien perdu de la fougue de son courage, avait l’expérience d’une vie déjà longue. Quelle pensée fatale l’avait poussé sur ces barricades pour qu’il y vînt jeter l’éclat de sa bravoure et les rendre plus séduisantes aux yeux de la députation de Gallicie, déjà trop complaisamment émue pour une révolution qui se couvrait du prétexte de la liberté ? Par quelles considérations expliquer la conduite de ceux des députés éminens de la Gallicie au lieu de suivre la députation tchèque auprès de l’empereur éloigné de Vienne, restèrent dans Vienne même, au milieu de l’insurrection, comme pour l’encourager par leur présence ? Leurs collègues les plus éclairés, les conservateurs de l’émigration, le prince Czartoryski le premier, dans les termes les plus nets et les plus pressans, leur criaient de tous les points de l’Europe : « Vous jouez follement l’avenir de votre pays ; vous l’engagez dans une partie que vous ne pouvez que perdre. Quittez les barricades, sortez de Vienne, joignez-vous aux Tchèques qui suivent l’empereur, et laissez faire l’épée slave de Jellachich » Les paysans de la diète et les chefs du parti conservateur donnèrent l’exemple et abandonnèrent Vienne en jetant l’anathème à cette révolution anti-slave ; mais les radicaux, sous la présidence de M. Smolka, ne voulurent point abandonner la cause vers laquelle ils avaient inclinés dès le premier jour.
Dans les perplexités de cette crise où la députation polonaise s’était vue en proie aux plus douloureux déchiremens et où l’alliance de la Pologne avec le slavisme avait éprouvé de terribles atteintes, l’esprit dévoué et actif qui avait mis tant de zèle à réunir ses concitoyens aux Tchèques et aux Croates, le prince George Lubomirski, saisi et frappé d’un patriotique désespoir, se retirait de la scène, où il n’apercevait plus que les débris de ses généreuses combinaisons. Cependant les Slaves ne gardèrent point rancune aux Polonais, et une société de Prague, le Tilleul Slave (Slovanskia Lipa) répondant d’ailleurs aux instincts des Croates, adressa à la Pologne, peu de temps après ces événemens, de touchantes paroles où le reproche, plein de vérité, ne cessait pas d’être fraternel. « C’est avec le cri de liberté, disait-elle, que les Allemands insurgés de Vienne et les Magyars vous ont traîtreusement attirés dans leurs piéges. Tout entiers à vos inspirations libérales et oubliant vos frères slaves, vous avez volé là où, sous de faux semblans de