Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/1073

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut admettre cependant que ceux qui résolvent un problème aussi difficile que la construction d’un vaisseau, avec tous les perfectionnemens dont elle est susceptible, soient des incapables Ne sait-on pas dans quels rangs l’état choisit ses constructeurs ? N’est-ce pas dans la première élite de la première école du monde ? On a cité des erreurs ; mais ce n’a pu être qu’à la suite d’erreurs successives qu’on est parvenu à produire cette admirable production qu’en appelle un vaisseau. Ce n’est point seulement par des calculs qu’ont été fixées les formes diverses que l’on a données aux constructions ; les calculs ont causé souvent de coûteuses déceptions : il a fallu s’aider de l’expérience, il a fallu des tâtonnemens, puis combiner ces tâtonnemens avec les calculs. Combien de causes d’erreur de toute nature n’a-t-on pas rencontrées dans la solution de ce problème ! Mais de tâtonnemens en tâtonnemens, d’erreurs en erreurs, car, j’avoue en toute humilité que nous nous sommes quelquefois trompés, nous avons réussi, et, quoi qu’il ait pu être dit sur l’impuissance de quelques-unes, de nos constructions, comme on ne peut juger que par comparaison, il demeure incontestable que les produits du génie maritime français sont presque tous supérieurs à ceux de tous les autres pays. On a cité l’Angleterre. Justement ; excellent point de comparaison, car l’Angleterre a fait bien plus de fautes que nous en matière de construction. Les exemples s’en présentent en foule à la mémoire, et nombre de brochures, de lettres à l’amirauté, d’articles de journaux, de journaux sérieux, en font tous les jours foi. Qui ne se souvient des lettres périodiques de sir Charles Napier ? La meilleure réponse qui ait été faite par l’amirauté à l’excentrique amiral a été de l’autoriser, en lui en donnant tous les moyens, à construire et armer un bâtiment à vapeur de grande dimension entièrement à sa guise. Ce navire s’est trouvé défectueux, inférieur à ses semblables, ne résolvant pas les difficultés contre lesquelles son constructeur s’était naguère si violemment élevé. Après une campagne, on l’a désarmé, et il est probable qu’il ne rendra pas de grands services. Quelle sage et instructive leçon, si elle ne coûtait pas si cher, pour tous nos habiles réformateurs ! Combien n’a-t-on pas vu d’exemples analogues, dans ces derniers temps, qui ont coûté plus cher encore ! Au moment où j’écris ces lignes, on me communique une nouvelle lettre de l’amiral sir Charles Napier à l’amirauté. Comme ses aînées, elle passe en revue tous les bâtimens de la marine royale ; tous sont défectueux, inférieurs aux nôtres, rien de bien ne se fait dans les arsenaux ! — Décidément nos détracteurs sont distancés.

Il y a exagération de part et d’autre, j’en conviens. Ce qui s’est dit l’autre jour en France ne le cède guère à ce qui s’est publié en Angleterre. L’excès reste cependant à ce dernier pays. Comparons sérieusement. Il est admis partout que nos bâtimens à voiles, nos grands