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mouvement, marchait le 18, recevant les soumissions de plusieurs tribus, et le 19 au matin, vers les neuf heures et demie, elle s’arrêtait à la grande halte, sur la rivière de l’Oued-Foddha.

La cavalerie profita de la halte pour s’en aller au fourrage sous l’escorte de deux sections d’infanterie ayant l’ordre formel de ne point tirer. Tout à coup la colonne entendit une fusillade très nourrie, et M. le capitaine Pourcet, envoyé tout de suite par le général, vit les soldats, fidèles à la consigne, recevant le feu, s’abritant de leur mieux, et ne répondant que lorsque les Kabyles venaient les saisir par leurs buffleteries. De l’endroit où la masse des troupes s’était arrêtée, l’on n’apercevait pas en effet une petite vallée qui séparait les fourrageurs d’une autre colline. Dans ce vallon, sur cette colline, des nuées de Kabyles blancs comme des vautours s’agitaient, excités par les officiers réguliers aux vêtemens rouges, courant de groupe en groupe. Ils criaient, ils hurlaient, ils devenaient furieux, s’enivrant par avance pour le combat. Il y avait loin de cette attitude belliqueuse aux pacifiques dispositions promises par les chefs arabes ; mais reculer était impossible, il fallait marcher en avant. Se retirer en ce moment devant ces populations, c’était, par une preuve de faiblesse, consolider la révolte. Dans la retraite, on aurait de nombreux blessés, sans profits, sans avantages. En continuant la route, au contraire, le sang de nos soldats ne serait pas versé en vain. Aussi, dès que l’on eut rendu compte au général de l’attitude et des dispositions des Kabyles, l’ordre de départ fut donné immédiatement, et la tête de colonne ne tarda pas à s’engager dans la gorge affreuse de l’Oued-Foddha.

En ce moment, des cavaliers arabes embusqués dans un affluent de la rivière s’élancèrent sur une compagnie du 26e ; mais M. le capitaine Lacoste les reçut vigoureusement, et, dans ce terrain découvert, les petits fantassins battirent en retraite comme à la manœuvre sans se décontenancer, ne tirant leurs coups de fusil qu’à bout portant. Pendant ce temps, sur la droite (la rive gauche de la rivière, car on marchait au sud, tandis que l’Oued-Foddha coule au nord), la compagnie de chasseurs d’Orléans du capitaine Ribains, envoyée pour appuyer le fourrage, se repliait en bon ordre sur la colonne ; de broussaille en broussaille, de buisson en buisson, d’arbre en arbre, chaque homme se coulait derrière ces abris pour choisir bonne position, bonne embuscade, et souvent le même obstacle cachait du côté opposé un Kabyle et un chasseur cherchant la belle pour se tuer. Arrivés au dernier plateau, le clairon sonna le pas gymnastique ; aussitôt tous, se laissant rouler le long des pentes, rejoignirent rapidement l’arrière-garde, qui elle aussi à son tour, allait s’engager dans la gorge. Le véritable combat commençait, les Kabyles criaient déjà du haut des crêtes : « Vous êtes entrés au tombeau, vous n’en sortirez pas ; » mais ils comptaient