la gauche se décida à transférer l’assemblée nationale dans le Wurtemberg. Les plus modérés, M. Eisenmann, M. Venedey, s’y opposèrent en vain : cette décision fut prise, le 30 mai, sur les instances réitérées du comité des trente. M. Vogt et M. Simon (de Trèves) avaient-ils le droit de soutenir que l’assemblée reprendrait une vie nouvelle à Stuttgart, au milieu des sympathies enthousiastes de la Souabe ? L’événement a prouvé le contraire ; ils ne se trompaient pas du moins en affirmant que l’assemblée de Francfort était morte : 71 voix contre 64 donnèrent la victoire au comité des trente. Dès que le vote est proclamé, M. Reh donne sa démission de président et de membre, ne pouvant se résigner, dit-il, à faire exécuter une mesure qu’il réprouve. C’est le premier vice-président, M. Loewe, qui prend aussitôt sa place et qui convoque l’assemblée à Stuttgart.
La séance du 30 mai 1849 est la dernière séance du parlement de Francfort. Avec le 30 mai, l’histoire de cette assemblée est finie. Nous ne suivrons pas à Stuttgart cette poignée d’agitateurs qui prétend représenter encore une nation de quarante millions d’hommes. Rien n’est plus beau dans les annales humaines que notre assemblée du tiers-état, lorsque, chassée du lieu de ses séances au mois de juin 1789, elle s’en va par les rues de Versailles errant de salle en salle jusqu’au jeu de paume ; mais quoi de plus ridicule et de plus odieux à la fois que ces froides parodies d’une grande scène ? Depuis que la majorité, pour échapper aux tentations révolutionnaires, avait quitté, trop tard seulement, les bancs de l’église Saint-Paul ; depuis que M. de Gagern et M. Dahlmann, M. Beseler et M. Waitz, M. Simson et M. Riesser, étaient partis de Francfort en expliquant très haut les motifs de leur conduite ; depuis ce moment-là l’assemblée nationale ne représentait plus rien. Transférée à Stuttgart, elle tombe plus bas encore. Ce n’est plus même l’ombre d’un sénat politique : cette réunion révolutionnaire n’a désormais ni droit, ni mission, ni raison d’être ; elle s’intitule l’assemblée nationale de l’empire, le bon sens public l’appelle un club. Que ce club organise une dictature imaginaire, que MM. Raveaux, Vogt, Henri Simon, Schüler, Becher, deviennent les régens de l’empire, et que, souverains sans peuple, sans armée, sans finances, surtout souverains sans droit, ils se prélassent dans leur néant avec une arrogance dont rien ne peut donner une idée, je dis que tout cela n’appartient pas à l’histoire, je dis qu’il faut laisser aux Cervantes à venir leurs burlesques héros. Qu’allait faire le noble chanteur de la Souabe au milieu d’une telle assemblée ? Pourquoi le nom vénéré de M. Uhland est-il inscrit sur les fastes tragi-comiques de cette sotte convention ? Sera-t-il dit que la révolution de 1848 aura été partout fatale aux plus glorieux poètes ? Celui-là du moins, ce ne sont pas de mauvaises passions sous le mensonge d’un beau langage, ce n’est pas un orgueil