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effréné, ce n’est pas un insolent ennui qui l’a poussé au mal ; il est dupe, au contraire, de sa consciencieuse honnêteté, et, comme il a chanté la vieille Allemagne des empereurs souabes, il se croit, le candide poète, il se croit tenu d’assister jusqu’au bout ceux qui agitent dans les airs le drapeau rouge, noir et or. De tous les tribuns de Stuttgart, M. Uhland est le seul que je regrette ; quant aux autres, si la chambre des députés refuse de les reconnaître, si le ministère les chasse, si la police ferme leurs séances et les disperse comme on disperse un club, ce n’est pas pour eux que nous nous en affligerons, ce sera pour ce parlement germanique entouré d’abord de tant d’honneur et investi d’une mission si haute, pour ce parlement qui a rempli souvent un rôle utile à travers les tourmentes d’une sinistre année, et qui maintenant va se perdre dans cette misérable anarchie, comme le Rhin se perd dans les sables.


V

J’ai étudié avec soin et raconté aussi impartialement que j’ai pu les phases diverses du parlement de Francfort. J’ai suivi son développement pas à pas, j’ai dit ses services et ses erreurs, ses beaux jours et ses jours néfastes. Le jugement qu’il faut porter sur cette première assemblée nationale de l’Allemagne est contenu, ce me semble, dans le récit même de ses travaux. Ce jugement, je crois que le bon sens public dans l’Europe entière, je crois que l’Allemagne elle-même, après l’apaisement de ses discordes, le résumera ainsi : le parlement de Francfort a manqué à sa tâche ; chargé de préparer l’unité de I’Allemagne, il laisse l’Allemagne plus divisée qu’elle n’a jamais été. Ce n’est pas tout : il avait promis solennellement de protéger le pays pendant les tempêtes de 1848, d’écarter tous les périls, de maintenir l’ordre au dedans et la paix au dehors, de donner enfin à l’Occident le modèle d’une grand révolution pacifique. Que sont devenues tant d’orgueilleuses promesses ? C’est l’assemblée de Francfort qui a aggravé pour les états allemands les périls de cette terrible année. Au dehors, elle a menacé la Hollande, elle a porté un nouveau coup à la Pologne, elle a fait une guerre inique au Danemark ; au dedans, après avoir combattu l’esprit révolutionnaire, elle a fini par invoquer son secours. Le drapeau de la Germanie impériale est devenu partout le drapeau de la démagogie. Cette révolution annoncée si haut n’était donc ni pacifique ni légale ; a-t-elle du moins réussi, et ses fautes seront-elles couvertes par des résultats féconds ? Non ; c’est l’ancien régime qui a profité de la politique de Francfort. Cet absolutisme qu’on croyait détruit Berlin et à Vienne par les révolutions de 1848 regagne