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ANGELICA CATALANI.




Il y a trois mois à peine, mourait à Paris, frappée par le choléra, une des cantatrices les plus célèbres du XIXe siècle. Qui n’a entendu parler de Mme  Catalani, de cette merveilleuse sirène qui charma les loisirs des rois de la sainte-alliance dans ces longs congrès où l’on se partageait les dépouilles du maître du monde ? Le nom de Mme  Catalani se trouve mêlé aux plus grands événemens de l’histoire contemporaine, et nous ne voulons pas qu’une ombre aussi charmante franchisse les rives éternelles sans lui dire un mot d’adieu. Aussi bien, des renseignemens certains nous ont été fournis par la famille de l’illustre cantatrice, et ils nous permettent de raconter avec quelque précision une vie qui marquera dans les annales de l’art.

Angelica Catalani est née à Sinigaglia, petite ville des états de l’Église, au mois d’octobre 1779. Son, père, homme très honorable, était un magistrat, une sorte de juge de paix qui avait bien de la peine à élever une nombreuse famille composée de quatre filles et de deux garçons. Pour suppléer aux modiques appointement de sa place, le père de la future prima donna faisait le commerce des diamans, cumul qui paraissait tout naturel dans un pays où se tient encore aujourd’hui la plus grande foire de l’Italie. Cependant, pour alléger un fardeau qui lui semblait trop lourd, M. Catalani fut obligé de mettre sa fille Angelica dans un couvent où elle devait, plus tard, prononcer des vœux solennels et irrévocables. Angelica entra donc au couvent de Sainte-Lucie de Gubbio, à quelque distance de Sinigaglia, et, pour faire admettre sa fille dans un établissement qui était exclusivement consacré à l’éducation des nobles demoiselles du pays, M. Catalani dut faire valoir, une parenté un peu éloignée avec la maison des Mastaï, dont Pie IX est aujourd’hui le chef illustre et vénérable. Voilà bien l’Italie avec ses grands contrastes et cette alliance de l’art et de la religion, du dogme inflexible et de la fantaisie mondaine, qui forme le trait saillant de son génie.

C’est dans le couvent de Sainte-Lucie de Gubbio que la jeune Angelica reçut