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trouver un point d’appui à Constantinople. Les Turcs, si long-temps indifférens aux destinées de la Pologne, s’étaient irrités du choix de Stanislas-Auguste ; ils craignaient son mariage avec Catherine, dont on avait faussement répandu le bruit. En vain cette princesse l’avait fait démentir ; elle n’avait pu calmer les défiances de la Porte, qui avait donné une exclusion tardive à Poniatowski quelques jours avant son avènement, et, depuis qu’il était roi, ne songeait plus qu’à le détrôner. Fidèle à ses instructions, l’ambassadeur de France fomentait ces inquiétudes. Par une inconséquence trop ordinaire à la diplomatie, tandis que M. de Vergennes excitait les Turcs, au risque de se compromettre, Louis XV, pour plaire à l’Autriche, reconnaissait le roi de Pologne. Comme pour donner un démenti public à M de Vergennes, un officier français, le marquis de Conflans, entrait à Varsovie et complimentait Stanislas-Auguste en le traitant de majesté, titre refusé jusqu’alors par la France aux souverains électifs. On avait proposé à Louis XV d’envoyer un ambassadeur non pas au roi de Pologne, mais à la diète, comme l’avait fait Louis XIV sous le règne même de Sobieski ; mais les exemples de Louis XIV n’étaient pas faits pour son successeur.

La cour de Vienne avait imposé au duc de Choiseul la reconnaissance de cette royauté nouvelle ; elle avait porté dans cette démarche une vivacité étrangère à ses habitudes, expliquée par ses vues secrètes. En cette circonstance comme en beaucoup d’autres, la cour de Vienne exploitait l’alliance uniquement dans le sens de ses intérêts ; mais le duc de Choiseul commençait à trouver le joug trop pesant, et le prince de Kaunitz, qui s’en était aperçu, s’en irritait au fond de l’ame. Quoiqu’il fût le promoteur du traité de Versailles, jamais M. de Kaunitz ne voulut y voir un contrat synallagmatique. Humilier la France, la fatiguer d’exigences sans réciprocité, de plaintes sans motifs, d’accusations sans preuves ; n’admettre aucune de ses réclamations, fussent-elles équitables ; lui faire un mystère de tout et lui arracher impérieusement les confidences les plus intimes ; demander ses plans et ne l’instruire que des choses faites ; vouloir lui imposer le rôle honteux de satellite, d’alguazil, et lui refuser même les services d’ami ; pousser la prepotenza à tel point que non-seulement toute dissidence lui serait reprochée comme une déloyauté, mais qu’il lui serait imputé à crime de s’en être aperçue ; se livrer à une jalousie ardente des richesses, de l’industrie, des arts de la France, à un éloignement. Vindicatif, à une aversion d’orgueil blessé par la légèreté quelquefois impertinente des Français de cette époque : tel fut le levain qui, depuis le traité de 1756, surnagea constamment dans les relations de Vienne et de Versailles.

Un dissentiment entre les deux cours existait depuis long-temps au