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Il portait aussi quelquefois le costume espagnol, qui convenait admirablement à sa taille élevée et à sa noble figure ; mais tous ces travestissemens de bal masqué étonnaient et blessaient les regards, surtout dans pays où le vêtement national est plein d’originalité et de caractère.

À la fois audacieux et timide, Poniatowski se proposa un double objet. Il résolut de fixer l’hérédité du trône dans sa famille, de créer une dynastie, et d’entrer définitivement dans le collége des rois par une alliance matrimoniale avec la maison d’Autriche. On voit que les grands et les petits hommes ont quelquefois les mêmes pensées, et qu’elles peuvent les mener également à leur perte. L’exécution d’un tel plan était difficile. Les yeux fixés sur Pétersbourg, Poniatowski ne touchait qu’en tremblant à ce sceptre qu’il voulait héréditaire et qu’il ne sentait pas même viager ; il soupirait pour la main d’une archiduchesse, mais il soupirait tout bas, dans la crainte que le moindre souffle de sa voix ne retentît dans le palais lointain d’où la foudre pouvait partir. Cependant il ne négligeait rien pour se concilier la cour de Vienne. Dans la prévision d’événemens graves et peu éloignés, la maison d’Autriche cherchait alors à se créer un parti en Pologne. C’est avec un soin curieux et persévérant qu’elle avait ramassé les débris du vieux parti français pour en former le noyau d’une faction impériale. Avant l’élection, de mystérieux messages promettaient à la cause de Stanislas un intérêt qu’on se gardait bien de lui montrer ouvertement. Que Poniatowski échoue, rien ne paraît, et, s’il le faut, tout est désavoué ; qu’il réussisse, le temps de Michel Koributh peut encore renaître, et l’archiduchesse Eléonore se retrouvera dans la nombreuse famille de Marie-Thérèse.

Comme cette négociation n’a pas eu de suites, elle a été niée ; le cabinet autrichien lui-même a accrédité le bruit d’un piége tendu à L’amour-propre crédule de Stanislas. D’après l’opinion généralement reçue, la fierté de la maison d’Autriche n’aurait jamais souffert une telle mésalliance. Il est bien certain qu’en cette circonstance, la mésalliance n’aurait été justifiée ni par la nécessité ni par la victoire. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que l’hérédité du trône formellement établie dans la dynastie nouvelle était la condition absolue d’un mariage. Tel était aussi le vœu de Poniatowski et désormais le but de tous ses efforts.

La reconnaissance officielle du nouveau roi par les magnats avait été prompte, celle des puissances du Midi se fit attendre ; Vienne et Versailles ne se hâtèrent pas de suivre l’exemple de Pétersbourg, de Berlin et de Londres ; ou plutôt Vienne y était disposée, mais Versailles l’arrêtait encore. Le cabinet autrichien pressait vainement la France de se déclarer. La résistance du ministère français venait enfin de