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Toutefois, voulant pousser sa chance jusqu’au bout, il ne renonça à aucune de ses entreprises. Il fit plus, il les exagéra, il les força, il les chargea outre mesure, comme une arme qu’on bourre, au risque de la faire éclater. Plus sa perte approchait, plus son enthousiasme devenait excessif.

Le seul moyen qui restât à M. de Choiseul pour se tirer d’une fausse position, c’était d’obtenir pour les Polonais un accommodement honorable et avantageux, sous la garantie de la France et de toutes les autres puissances, signataires du traité d’Oliva. Au lieu de cela, que fit le duc ? Il alla chercher et trouva une tête encore plus chaude que la sienne. C’était Dumouriez, plus tard célèbre général républicain, alors simple aventurier monarchique, rempli de bravoure et d’esprit. M. de Choiseul le fit venir ; il lui parla beaucoup, lui donna beaucoup d’argent, et lui commanda de courir au plus vite en Pologne pour exciter les patriotes, en leur promettant six mille ducats par mois. Il approuva la déchéance de Stanislas-Auguste, prononcée malgré l’opposition de l’évêque de Kaminiek et des magnats les plus politiques et les plus sensés parmi les confédérés. Il renvoya un émissaire secret du roi de Pologne, et imagina de remplacer Poniatowski par le duc Albert de Saxe-Teschen, mari de l’archiduchesse Marie-Christine et beau-frère de Marie-Antoinette, alors dauphine. Choiseul espérait regagner ainsi les bonnes graces de Marie-Thérèse, dont l’appui lui devenait plus nécessaire que jamais contre les intrigues du duc d’Aiguillon et de Mme Du Barry. Ce calcul fut encore déjoué. « . J’aime trop ma fille Christine, dit l’impératrice-reine, pour l’envoyer dans un tel pays. » Elle avait pourtant songé un moment à donner une de ses filles à Poniatowski lui-même ; maintenant la sollicitude maternelle servait de voile aux engagemens formels pris dans Neustadt, à l’insu de la France. Joseph et Frédéric y étaient convenus de maintenir Stanislas-Auguste sur son trône précaire et chancelant.

Au premier abord, M. de Choiseul put s’applaudir de l’envoi de Dumouriez, accompagné d’ingénieurs et d’officiers au nombre de soixante. La confédération partit se ranimer. Ce fut son moment le plus brillant. Zaremba tenait dans le duché de Posen ; Pulawski, dans la partie la plus méridionale de la grande Pologne ; Joseph Miaczynski vainqueur à Sieniawa et à Mislenice, s’était rendu maître des deux Gallicies, de la majeure partie de la petite Pologne ; et, par la prise du poste fortifié de Landskorona, il avait assuré ses communications avec la Silésie autrichienne et menaçait Cracovie. Un chef de Cosaques polonais, Sawa Kalinski, poussa même une reconnaissance jusque dans les faubourgs de Varsovie ; mais tous ces succès furent éphémères : Dumouriez avait trouvé les confédérés divisés, livrés au jeu, aux femmes, occupés de leurs plaisirs ou de leurs querelles, demandant avec ardeur