Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
revue des deux mondes.

n’avait pas attendu la mort d’Auguste III pour frapper la maison de Saxe d’incapacité et de déchéance. La Courlande lui en fournit l’occasion. La Pologne était déjà devenue, par le fait, une dépendance de la Russie. Pour plaire à l’impératrice Anne, qui avait déterminé l’élection d’Auguste III, ce prince avait donné l’investiture de la Courlande au duc Biren ou Biron, son favori. Lorsque le duc Biron fut relégué en Sibérie, le roi de Pologne obtint de l’impératrice Élisabeth la permission de faire souverain de Courlande son propre fils, le prince Charles de Saxe. Dès la première année de son règne, Catherine exigea le rétablissement de Biron au nom des lois de la Pologne. « Ce duc, disait-elle, était l’élu de la république ; c’est à la république de le rétablir dans ses droits. » Il fallut obéir. Rulhière a présenté cet épisode sous une forme pathétique : il a dépeint vivement la douleur d’un père forcé à chasser son fils, on croirait, à le lire, qu’il nous parle de Louis XIV sommé par les rois coalisés de détrôner Philippe mais Auguste III avait brigué lui-même l’honneur d’investir Biron du duché de Courlande, mais c’est à la faveur de l’impératrice Élisabeth que le prince Charles avait dû sa couronne. Dans aucune de ces investitures contradictoires Auguste III n’avait agi avec l’indépendance d’un roi. La Russie, dans ces deux circonstances, avait disposé du duché de Courlande à la demande expresse du roi de Pologne. C’est ce qui lui fut reproché avec une cruelle franchise, en pleine diète, par le prince Michel Czartoriski. Le sénat, à l’unanimité des voix, engagea le malheureux Auguste à se soumettre sans résistance et même à désarmer l’impératrice par d’humbles excuses. Le prince Charles de Saxe fut forcé de quitter Mittau et d’abandonner cette résidence à son rival, installé en sa présence par un commissaire russe. Malgré les liens du sang, les cours d’Autriche et de France ne firent aucune réclamation, réserve assez triste, mais qui n’aurait eu rien de répréhensible, si elle avait été dictée par la sagesse plus que par l’incurie. Il était déraisonnable de soutenir une dynastie devenue impopulaire, et qui jadis, dans un intérêt purement dynastique, avait proposé elle-même un démembrement de la Pologne[1]. En outre, c’est sous les rois de la maison de Saxe qu’une

  1. « Dans le temps que la mort surprit Auguste II (en 1733), il était occupé de vastes desseins : il pensait à rendre la souveraineté héréditaire en Pologne. Afin de parvenir à ce but, il avait imaginé le partage de cette monarchie, comme le moyen par lequel il croyait apaiser la jalousie des puissances voisines. Il avait besoin du roi (Frédéric-Guillaume Ier) dans l’exécution de ce projet. Il lui demanda le maréchal de Grumbkow afin de s’en ouvrir avec lui. Le roi de Pologne voulut le pénétrer, et celui-ci voulut également pénétrer le roi, ils s’enivrèrent réciproquement dans cette intention, ce qui causa la mort à Auguste et à Grumbkow une maladie dont il ne se releva jamais. » — (Mémoires de Brandebourg, Œuvres de Frédéric, tome II, page 163.) — Ces mœurs d’Auguste II ont inspiré à Frédéric, un vers célèbre, le meilleur qu’il ait fait :

    Quand Auguste buvait, la Pologne était ivre.