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comme une des premières préoccupations de la société et des pouvoirs qui la représentent. C’est de l’instruction publique ainsi entendue et de la part que l’état y prend sous toutes les formes que nous avons dessein de nous occuper. À nos yeux, cette action, qui devrait être salutaire, est dénaturée, depuis de longues années, par des vices qui s’aggravent chaque jour : il est urgent d’y apporter des remèdes actifs. De ces vices, une partie sans doute est imputable à l’Université, une autre à l’ensemble de nos lois administratives, une autre enfin, et ce n’est pas la moins grande, à la société tout entière, aux pères de famille qui s’en plaignent, et dont la vanité impatiente a souvent corrompu les meilleures institutions. Mais, si personne n’est exclusivement responsable d’un grand mal, tout le monde est également intéressé à le réparer, et, puisqu’on renouvelle aujourd’hui les autorités préposées à l’instruction publique, puisqu’on les retrempe dans l’élection apparemment pour leur inspirer un sentiment plus juste des nécessités sociales, il ne peut être inutile de leur mettre sous les yeux un tableau sombre, mais sincère, des maux qu’elles vont avoir à réformer.

Que l’éducation publique d’un pays doive être tenue constamment en rapport avec son état social, c’est un axiome de sens commun dont pourtant le souvenir semble nous avoir échappé depuis un demi-siècle. Comme, après tout, ce qu’on se propose en élevant des jeunes gens, c’est d’en faire un jour des hommes, et qu’on est, quoi qu’on tisse, l’homme de son temps et de son pays, c’est pour ce temps, c’est pour ce pays qu’il faut les élever : C’est en tenant l’œil sur l’enfance qu’on doit diriger la jeunesse ; c’est en voyant ce que sont ou ce que doivent être les hommes qu’on append ce qu’on doit faire des enfans.

Or, nous n’avons pas la prétention de rien enseigner à personne en disant que le trait caractéristique de l’état social en France, c’est le triomphe à peu près complet du principe démocratique. Nous avons vu successivement les combats sanglans de ce principe pour s’établir dans nos lois son avènement armé sur le trôna, son règne paisible au sein d’une prospérité toujours croissante, bien que toujours menacée. Nous venons d’assister depuis un an à son délire brutal et à son enivrement passager. Sous quelque aspect qu’il se présente, violent ou calme, régulier ou déréglé, révolutionnaire ou légal, ce principe règne parmi nous ; c’est un fait accompli, sur lequel il serait insensé autant qu’impossible de revenir. La règle fondamentale qu’un tel principe impose à l’état social qu’il régit, c’est que la plus haute ambition soit permise au moindre citoyen ; c’est qu’aucune infirmité d’origine, aucune obscurité de naissance ne défendent l’entrée des carrières les plus brillantes et l’avènement aux postes les plus élevés ; c’est qu’il n’y ait rien où chacun ne puisse parvenir. L’égale admissibilité des Français à tous les emplois était le second article de la charte de 1814, et l’on a