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transplantée toute venue sur un sol nouveau, où elle parait puiser une sève vivifiante, se place tout naturellement Sydney. Beaucoup de villes d’Europe, qui s’enorgueillissent de leurs monumens et de leur commerce, sont bien loin de pouvoir lui être comparées.

Les villes d’Australie sont peuplées principalement de deux sortes de personnes : les spéculateurs et les artisans. Elles n’ont pas évité cette maladie de toutes les colonies naissantes, maladie souvent mortelle : la spéculation. Le gouvernement britannique, en adoptant pour la vente des terres le mode de l’adjudication publique, a contribué à favoriser le jeu des spéculateurs et à multiplier pendant un temps les faillites et les ruines. Les ventes de terres à la criée se font à des intervalles assez éloignés, car elles ne peuvent avoir lieu qu’à la suite d’opérations d’arpentage toujours très longues L’émigrant, possesseur à son débarquement en Australie d’un petit capital, est souvent forcé, après avoir choisi un terrain à sa convenance, d’attendre, en vivant chèrement dans les villes pendant plusieurs mois, le jour des premières adjudications. Cependant les gens d’affaires interviennent dans les ventes publiques de terres, et ils enchérissent dans l’espoir de revendre avec bénéfice aux émigrés. Il arrive alors de deux choses l’une : ou l’émigré achète à tout prix et fait ainsi de son argent ou mauvais placement qui entraîne sa ruine, ou il attend une meilleure occasion, et il achève de dépenser son capital dans les tavernes de la ville. Les spéculateurs ne réussissent pas beaucoup mieux. Propriétaires de terres qui, entre leurs mains, restent improductives et qu’ils ont payées au-dessus de leur valeur, ils sont fatalement entraînés ou à ruiner les autres en leur cédant des propriétés onéreuses, ou à se ruiner eux-mêmes en les gardant. Le développement des colonies australiennes, bien que rapide, a été fort entravé au début par ce genre de difficultés ; mais, depuis lors, le nombre des vrais colons qui possèdent et qui exploitent avec profit s’est assez multiplié pour asseoir la prospérité de l’Australie sur des bases solides. Aujourd’hui la colonisation se développe naturellement, et le mouvement factice et malsain de la spéculation a cessé, ou peu s’en faut.

Les artisans font en Australie une fortune très prompte. S’ils sont habiles dans leur profession, ils gagnent jusqu’à 10 shellings par jour. Les maçons et les charpentiers surtout sont très recherchés, et reçoivent un salaire très élevé. Le bon marché des alimens augmente beaucoup leur bien-être. La viande de boucherie, en 1844, se vendait 4 sous la livre, le sucre 12 sous, le pain 3 sous. Quant aux légumes, ils viennent sur cette terre vierge en plus grande abondance, et ils y sont de meilleure qualité qu’en aucun autre lieu du monde. Tous les fruits d’Europe, y compris le raisin, croissent à la Nouvelle-Hollande. Les cailles, les bécasses, les sarcelles, y sont très nombreuses. On y trouve encore une quantité innombrable de perroquets de toute espèce, dont la chair n’est pas dédaignée par les colons. Le kangarou n’est pas très rare, même dans les environs des endroits où l’espèce humaine a établi le siége de son activité et de son travail bruyant. Les permis de chasse sont inconnus en Australie, mais la chasse y est défendue le dimanche. Cependant les marchands et les artisans consacrent régulièrement le dimanche à cet exercice. Comment éludent-ils la défense ? Par une entente de la loi bien digne d’un peuple formaliste. L’arrêté défend de tirer des coups de fusil (shooting) sur les animaux le jour du repos,