les protéger contre les sables furent religieusement replacées, car un puits dans le Sahara, c’est un lieu sacré qui a droit aux soins et à la protection de tous les voyageurs. Puis nos marches continuèrent dans ce pays du vide, qui a quelque chose d’affreux, dont les solitudes n’ont pas la grandeur des autres solitudes : elles serrent le cœur, au lieu de l’élever ; il semble qu’un poids de malédiction soit là tout autour, et, dans ces plaines dénudées, nous avancions, voyant à droite et à gauche, à l’horizon, les montagnes arides, sans végétation, sans rien qui vînt reposer le regard fatigué. Du reste, la partie du Sahara que nous traversions alors était tristement renommée, et ce n’est jamais qu’un passage pour les nomades habitans de ces contrées.
Une fraction des Hamians-Garabas insoumise à la France se trouvait avec ses troupeaux à vingt lieues de nous, le général l’apprit par ses coureurs, et comme, depuis quelque temps, nous ne bivouaquions jamais que dans les fonds, et que, pendant le jour, le mirage empêchait de voir la poussière soulevée par la colonne, nous étions certains de n’avoir pas été découverts. Aussi, à trois heures de l’après-midi, six cents hommes d’infanterie d’élite partaient avec la cavalerie et le général, pour aller tenter un coup de main ; le reste de l’infanterie et le convoi se dirigeaient sur les puits de Nama, où nous devions les retrouver le lendemain.
La chaleur était accablante, mais ces hommes endurcis à toutes les fatigues ne craignaient ni le soleil ardent ni la pluie glacée ; à six heures du matin, la colonne s’arrêtait, les coureurs arabes nous revenaient, annonçant que les chameaux des Hamians étaient au pâturage à trois heures de marche. C’était un signe évident de leur sécurité. L’infanterie avait déjà marché quinze heures ; il y avait quatre heures du point où nous étions aux puits de Nama ; si le coup de main manquait, cela faisait près de trente heures. Le général n’ost pas lancer la cavalerie seule, et, au grand regret de nos Arabes, qui comptaient sur le butin, ordre fut donné de prendre la direction de Nama.
À une heure de l’après-midi, après avoir traversé les dunes de sable sous un soleil ardent, sans avoir trouvé une goutte d’eau depuis la veille pour rafraîchir nos lèvres desséchées, nous arrivions au lieu du bivouac, n’ayant que cinq hommes sur les cacolets, encore était-ce par suite d’accident. La cavalerie avait pris l’avance, et, lorsque du haut d’une dune de sable, nos escadrons aperçurent une immense pièce d’eau où l’on voyait, comme dans les lacs de la Suisse, le rivage se réfléchir dans l’onde limpide, il y eut un cri général, et nous nous hâtâmes de débrider les chevaux pour apaiser leur soif ; mais, à mesure que nous avancions, nous voyions toujours l’eau reculer à six pieds devant nous, si ben qu’en nous retournant, nous découvrîmes notre erreur : nous étions encore la dupe d’un mirage. En effet, l’eau