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en tribus sous la tente. Timi-Moun est la capitale d’une des cinq circonscriptions : elle est fortifiée et divisée en neuf quartiers ; elle a sept grandes places, et chaque rue est affectée à un genre spécial de commerce. Il s’y fait un très grand nombre d’opérations d’échange.

La caravane de Tidi-Keult arriva après onze jouis d’attente. Les deux khrebirs réunirent les voyageurs, et, après leur avoir parlé, ouvrant le livre de Si-Abd-Allah et l’élevant à la hauteur de la tête : « Jurez par ce livre saint, dirent-ils, que chacun est le frère de tous, que tous nous ne faisons qu’un seul et même fusil, et que, si nous mourons, nous mourrons tous du même sabre ; » — et tous ils le jurèrent de la bouche et du cœur.

Le départ fut fixé au lendemain. Pendant la route, un nommé Mohamed, qui avait bu de l’eau à même la peau de bouc et sans lui faire prendre l’air un moment dans une tasse, fut atteint d’une fièvre lente et de diarrhée. L’on consulta Cheggueun ; il lui avaler une décoction de henna, qui soulagea presque immédiatement le malade, et pendant ce temps il lui disait : — Il faut savoir souffrir la soif en voyage ; les buveurs ne vont pas loin ; ils sont comme les grenouilles : à peine sortis de l’eau, ils meurent. Ne les emmenez point en caravane ; c’est autant de pâture pour les oiseaux de proie et les chacals.

Près d’Insalah, la caravane de Tidi-Keult se trouvait dans son pays, et les marchands de cette caravane traitèrent les voyageurs de Metilli comme des hôtes. Insalah est une ville de cinq à six cents maisons avec une casbah, mais sans muraille d’enceinte. Une source nommée la Source du fils de Jacob prend naissance au centre et l’alimente : du côté du sud, des vergers et des plantations de dattiers dominent la ville ; mais, sur les autres côtés, les sables chassés par le vent s’amoncellent jusqu’au pied des maisons. À Insalah, Cheggueun avait retrouvé une de ses femmes. C’était une jeune fille de sang un peu mêlé, dorée comme le soleil, et dont la taille était d’une souplesse et d’une élégance admirables ; ses yeux étaient noirs comme la nuit sans lune et sans étoiles. Pendant l’absence de son mari, elle demeurait chez son père.

Chaque jour, l’on attendait une autre caravane qui devait renforcer la troupe voyageuse de cent cinquante hommes et de six cents chameaux. La caravane d’Amedry. Les marchands de toutes les caravanes réunies demandèrent alors à Cheggueun de se mettre à leur tête.

« O mes enfans ! leur dit Cheggueun, je serai volontiers voire khrebir, et, s’il plait à Dieu, je vous mènerai en bonne route, où ni vous ni vos chameaux n’aurez faim ni soif. Je m’en charge, je me charge encore de vous faire traverser en paix le pays des Touareug ; mais, vous le savez, ils sont injustes, orgueilleux et forts : il vous faudra les flatter. N’oubliez pas le proverbe :

« — Si celui dont tu as besoin est monté sur un âne, dis-lui : Quel beau cheval vous avez là, monseigneur !