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dont Montevideo est la capitale, a été constituée, en 1828, comme état souverain et indépendant, pour servir de boulevard entre le Brésil et la confédération argentine. Cette indépendance, le général Rosas l’a reconnue dans le traité du 29 octobre 1840, traité dont il a d’ailleurs exécuté rigoureusement toutes les clauses mais la France avait, en 1838, porté atteinte à cette indépendance, quand elle s’unit au général Rivera pour renverser Oribe, le président légal. Et voici qu’en 1842, ce même Rivera, chef de la ligue qui avait juré une guerre à mort au général Rosas, franchit la frontière argentine à la tête de l’armée orientale, vient provoquer sur son propre territoire le gouverneur de Buenos-Ayres et lui livrer bataille : il est battu et s’enfuit. Le général Rosas ordonne alors à son armée d’user de son droit de guerre, de poursuivre sa victoire, de franchir à son tour la frontière orientale pour aller à Montevideo restaurer le président légal Oribe. Tel est le droit dont il ne veut pas se relâcher droit que nous lui contestons depuis sept ans, contre lequel nous intervenons en donnant pour raison que le rétablissement du général Oribe, son ami, son protégé, lui assurerait sur la République Orientale un moyen d’influence qui compromettrait l’indépendance de cet état.

Faisons maintenant notre bilan de guerre : combien nous coûte notre intervention actuelle de la Plata, et que nous rapporte-t-elle ?

Ce qu’elle nous coûte, on peut le formuler en chiffres : l’entretien de la division navale s’élève à 1,500,000 fr. ; nous donnons à la légion de Montevideo une subvention de 2,400,000 francs ; le commerce que nous paralysons ferait annuellement pour 50 millions d’affaires, particulièrement en articles de Paris, en soieries de Lyon, en objets manufacturés, en vins, en eaux-de-vie, ce qui amènerait un mouvement de navigation d’une centaine de navires de fort tonnage à cause des retours encombrans et assurés en cuirs, laines, crins. Et que produit notre intervention ? Rien. Jamais l’emploi de la force armée ne fut frappé de plus d’impuissance. La guerre que nous entretenons n’a d’autre effet que de plonger dans une misère affreuse le malheureux pays que nous prétendons protéger.

Eh bien ! la convention de M. Le Prédour met fin à ce déplorable état de choses ; elle rouvre à notre commerce le débouché de la Plata, dont il a un si grand besoin ; elle allége notre budget d’une contribution de guerre que, dans l’état actuel de nos finances, nous sommes coupables d’imposer à la France. Enfin, cette convention, qui stipule si bien l’intérêt de la France, blesse-t-elle notre honneur ? Nous allons en donner une courte analyse. L’article 1 suspend les hostilités. L’article 2 désarme la légion étrangère de Montevideo. L’article 3 fait évacuer tout le territoire oriental par les troupes argentines, subséquemment au désarmement des légionnaires. Sans doute il eût été préférable que les deux opérations fussent simultanées : dans tous les projets antérieurs cette simultanéité avait été admise par le général Rosas ; mais faut-il que nous compromettions la pacification pour une condition secondaire et purement de forme ? Ou donc placerions-nous l’orgueil de la France ? Les articles 4 et 5, qui rétablissent le statu quo ante bellum, n’ont jamais fait un point de doute ; ce qu’ils stipulent se retrouve dans les conditions acceptées par M. Gros. Par l’article 6, qui reconnaît la navigation du Parana comme navigation intérieure de