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la confédération argentine, le général Rosas insiste pour qu’on l’applique à son pays le droit commun des nations, qui semble lui avoir été un peu contesté. L’article 7, dans sa phraséologie singulière, n’a d’autre portée que de consacrer en faveur de la confédération argentine tous les droits d’état souverain et indépendant. Il y a, dans cette insistance à proclamer à la face de la vieille Europe des droits de souveraineté que personne n’a jamais sérieusement contestés quelque chose de puéril qu’il faut pardonner à ces républiques naissantes de l’Amérique. L’article 8 fait une loi à la ville de Montevideo de se soumettre à la convention sous peine d’être livrée à elle-même. Quant aux autres articles, ils sont pour nous sans portée. De son côté, le général Oribe promet l’oubli du passé, garantit la personne et tous les droits des étrangers ; il convoque les collèges électoraux du pays pour la nomination libre du président, se soumettant d’avance à leur décision ; en un mot, l’indépendance de l’État Oriental est proclamée ! Que pouvions-nous exiger de plus ? Un gage ? Mais quel pouvoir indépendant et souverain à jamais donné d’autre garantie de sa parole que sa parole même ?

Comment donc M. le ministre des affaires étrangères pourrait-il faire refuser la ratification de cette convention ? car il est à peu près certain que le général Rosas n’en modifiera aucun des termes. Est-ce qu’on prétendrait recommencer les hostilités, continuer ce qui se fait depuis cinq ans, payer de l’argent de la France la ruine de notre commerce, au profit de l’Angleterre, qui s’est retirée de cette politique impuissante jusqu’à l’absurdité ; soudoyer à Montevideo les mêmes hommes que nous mitraillons à Rome ? Et l’assemblée nationale ratifierai une pareille décision ! Vraiment, cette intervention n’a plus de sens, aujourd’hui que l’émigration française presque tout entière s’est portée dans les provinces argentines, et que Montevideo n’est plus que le refuge d’une poignée d’aventuriers. Ou bien va-t-on, comme on nous l’assure, se livrer à une autre combinaison de guerre, s’appuyer sur le Paraguay, peuple enfant qui voudrait prendre rang parmi les nation sons notre protection, et dont nous ferions servir l’alliance à proclamer la libre navigation du Parana ? Va-t-on chercher à entraîner dans notre sphère d’action l’état d’Entre-Rios, l’un des trois signataires de l’union fondamentale autour de laquelle s’est formée la confédération argentine ? Renouveler, en un mot, quelqu’un de ces projets chimériques que nous n’avons cessé d’enfanter depuis douze ans ? S’il en était ainsi, il ne nous resterait qu’à déplorer la vanité de l’expérience humaine. Aucune de ces combinaisons n’a réussi quand le général. Rosas était réduit à l’extrémité, et nous nous flatterions de quelque succès, aujourd’hui que, g’ace à nos erreurs, il est devenu bien réellement l’homme prestigieux de son pays ; qu’il a une armée nombreuse, fidèle, dévouée, un trésor exubérant, et que sa résistance aux attaques combinées de l’Angleterre et de la France l’a placé dans la confédération argentine comme l’orgueil et l’honneur de sa patrie ! Dans la voie de la guerre, qu’on le sache bien, il ne nous reste plus qu’à tenter une grande expédition : mais, si jamais il pouvait entrer dans l’esprit du gouvernement de lancer nos régimens. Contre les gauchos des pampas, comme autrefois les légions romaines dans les plaines de la Scythie, à la poursuite d’un ennemi qui toujours fuit, et toujours vous harcèle et vous entraîne au désert, nous nous garderions bien de