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de l’ode ou de l’élégie sur notre théâtre avait tout le charme de la nouveauté. Quelques pages de versification brillante, quelques intentions distinguées, auraient mérité au drame de M. Adolphe Dumas d’indulgentes sympathies et on aurait pu accepter comme d’heureuses promesses tout ce qui ne laisse prise dans sa comédie qu’à de fâcheux regrets. Malheureusement M. Adolphe Dumas a cru que le drame moderne pouvait se complaire impunément dans l’évocation de son passé ; au lieu d’une satire, d’une comédie contemporaine, il n’a écrit qu’un pastiche puéril.

Dans quelle phase de stérilité et d’épuisement sommes-nous donc, que le Théâtre-Français en soit réduit à s’alimenter de productions aussi mal venue ! Voilà donc les beaux fruits que devait nous apporter cette rénovation littéraire tant espérée et toujours fuyante ! Nous n’avons pas le courage de blâmer la Comédie-Française ; nous la plaignons plutôt en voyant l’esprit français lui faire défaut à ce point ; nous la plaignons surtout, nous qui voudrions la voir assez florissante, assez glorieuse, pour repousser toutes les folles exigences, tous les faux talens qui l’assiégent ; car des pièces comme celle-ci ne peuvent que hâter le moment où elle sera forcée de subir toutes les conditions de Mlle Rachel. Voyons, M. Scribe, à l’œuvre, vous qui avez déjà tant fait pour le Théâtre-Français ! Voyons, M. de Musset, auteur de ces charmans proverbes de la Revue qui ont fait la fortune de la rue Richelieu ! Montrez-nous que vous avez encore les inspirations de la Muse ! Voyons surtout, vous vieux esprits d’un monde jeune encore, qui avez tant mis vos revers sur le compte de la tragédienne qui vous dérobait l’attention publique, voyons si vous pouvez détourner de pareils présages ; montrez votre puissance, faites acte de fécondité, si vous le pouvez ! La place est libre ; la tragédienne est sous sa tente, et le Théâtre-Français vous tend les bras. Pour nous, jusqu’à ce fortuné moment où il nous sera donné d’applaudir une œuvre littéraire qui mérite quelque attention, nous aimons mieux porter nos regards ailleurs, aller à l’ouverture du Théâtre-Italien que nous rendre Ronconi, aller entendre le Prophète de Meyerbeer, que l’Opéra vient de reprendre avec tout l’attrait de la nouveauté, avec une exécution qui ne laisse plus guère à désirer.




V. de Mars.