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l’envoyé autrichien. Ils se voyaient en butte à l’embarras d’une position, fausse et aux sanglans reproches de tous les partis. Vainement ils demandaient des instructions nouvelles, le ministère les renvoyait à la déclaration ; ils avaient beau objecter que cette pièce aggravait leur embarras, M. de Praslin ne leur répondait pas ou revenait sur son manifeste, en cherchant à l’atténuer par une interprétation captieuse. « C’est à la nation polonaise, disait-il, que nous avons promis des secours et non à quelques magnats. » Dans cet état de choses, le ministre résolut de sacrifier ses délégués. Réduits à la plus cruelle incertitude, livrés à leur propre responsabilité, M. de Paulmy et M. Hennin renoncèrent à attendre de nouvelles, instructions ; ils demandèrent à Poniatowski une conférence secrète, et, dans un mémoire anonyme, lui promirent imprudemment la reconnaissance de sa royauté future par les cour alliées, à condition d’un accommodement avec les palatins exilés. Poniatowski demanda le mémoire, le garda, ne prit pas la peine d’y répondre, et l’envoya à Vienne. Sur les plaintes véhémentes de cette cour, le ministère français accabla son ambassadeur de reproches, le désavoua hautement et, en lui envoyant ses lettres de rappel, lui ordonna de déclarer au primat que la France ne reconnaissait plus la république divisée.

Les Czartoriski sentirent que le moment était venu de discréditer entièrement la France en Pologne. Pour empêcher la nomination de quelque agent du premier ordre ou le maintien du résident, dont la présence gênait leurs desseins, ils organisèrent un affront au caractère de l’ambassadeur. Maîtres du primat, ils lui dictèrent son rôle. Dans l’audience de congé donnée par l’inter-roi à M. de Paulmy, au lieu de l’appeler excellence, il le traita simplement de M. le marquis. Un tel oubli de l’étiquette ne pouvait se supporter. Louis XV rappela son ambassadeur la cour de Versailles laissait ainsi le champ tout-à-fait libre aux cabinets de Berlin et de Pétersbourg : c’était en quelque sorte l’abdication de la France à Varsovie. N’importe, l’ambassadeur du roi fut rappelé ; le résident et le consul le furent également. À cela, il n’y avait pas même de prétexte. Étrangers à tout caractère représentatif, ces derniers ne pouvaient être atteint dans leur sphère secondaire par l’impertinence calculée du primat. Il fut évident que, bien loin d’avoir été contrarié au fond de l’ame par cet incident ridicule, le ministère de Louis XV saisissait avec joie la première occasion de ne plus intervenir dans les affaires de la république.

La cour de Vienne, toujours jalouse, crut le moment venu d’acquérir en Pologne une influence personnelle. Malgré les instances de la France, elle ne se hâta point de faire revenir le comte de Mercy-Argenteau, son ambassadeur. Resté à Varsovie, après le départ de M. de Paulmy,