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par laisser à découvert le tuf de la toile. Le feu lui sortait de toutes parts, son pinceau ne demandait qu’à s’enivrer de couleur, et chez lui le génie dominait souvent l’éducation ; mais les bonnes traditions lui manquaient, et le peintre manquait souvent à l’artiste, tandis que si les peintres du temps de Louis XV ne sauraient prétendre à la royauté du génie, ils auront eu du moins le bon esprit de vivre, parce qu’ils ont eu le secret de peindre.

Puisque nous en sommes sur le chapitre des modes divers de portraiture dans lesquels s’est glissée la convention, nous ne saurions oublier la miniature et le pastel. Le musée de Florence et les cabinets d’amateurs sont pleins de ces délicieuses miniatures à l’huile dont les maîtres de l’Italie, de l’Espagne, de la Flandre et de la Hollande nous ont légué de nombreux échantillons, qui souvent sont des chefs-d’œuvre.

L’aquarelle a eu aussi ses maîtres en miniature, et l’on se dispute avec raison, à des prix considérables, celles de Rosalba Carriera, qui brillait au siècle de Louis XIV, et celles de Mme Nattier, de Hall, de Fragonard et de Dumont, étoiles scintillantes du temps proscrit de Louis XV et du temps de Louis XVI Alors aussi le souverain du pastel, Maurice-Quentin de La Tour, était en pleine floraison. Celui-là, ennemi de la manière, n’en voulait qu’à la physionomie, à l’expression, en un mot à la pure nature. En son genre, c’est un maître. Il vivait familièrement avec les gens de lettres les plus distingués de son époque, et il en a laissé de beaux portraits. Le Louvre possède de lui le Maréchal de Saxe, le peintre Chardin, et la Marquise de Pompadour. Le dernier portrait, en pied et de grandeur naturelle, offre un ensemble séduisant de goût et d’harmonie ; mais la tête n’a pas ce puissant modelé, cette sève humaine qui fait fleurir le sentiment, la grace et la vie dans un autre chef-d’œuvre de La Tour, représentant la danseuse Sallé, celle que Voltaire, passant de l’atelier du peintre dans une loge de l’Opéra, célébra en un sixain triomphal, où la Camargo est de moitié. La Sallé n’avait point une biographie aussi romanesque que celle de la Camargo ; elle n’avait point, comme elle, pour oncle un grand inquisiteur d’Espagne, mais elle eut un peintre inimitable[1].


V – PORTAITS DE MADAME DE MAINTENON.

On connaît les trois grandes sources d’erreurs entre lesquelles la critique iconologique doit frayer sa route et démêler le vrai : — erreurs d’érudition, supercheries industrielles, influences de mode ou d’école. Voyons maintenant à quelle variété de l’apocryphe, s’il y a apocryphe, pourrait appartenir l’émail de Petitot gravé pour M. le duc de Noailles ; examinons si Paolo Mercuri, ce grand artiste, ce voluptueux de la forme et de la couleur, aurait été trompé ici comme pour le Christophe Colomb.

Le premier portrait connu de Mme de Maintenon est celui où Mignard l’avait représentée jusqu’à mi-jambe, en sainte Françoise romaine, robe fond or, avec manteau doublé d’hermine, la main droite sur le cœur, la gauche tenant un livre sur ses genoux, auprès d’une table où pose un sablier. Ce portrait, peint pour la maison de Saint-Cyr, fondée en 1686, fut cédé par la comtesse de

  1. Ce portrait de Mlle Sallé a passé du cabinet du miniaturiste Saint chez M. Véron.