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Grescy, dernière supérieure de cet établissement, au célèbre amateur des arts, M. Quintin Craufurd, et à la vente de ce dernier, en 1820, il passa dans le domaine de la liste civile. On en a plusieurs répétitions et de nombreuses copies : dans les unes, le fond est nu ; dans les autres, il est formé d’une bibliothèque. L’original primitif a été exécuté en 1694, par conséquent alors que Mme  de Maintenon avait cinquante-neuf ans. Il est cité par l’abbé de Monville, dans sa Vie de Pierre Mignard[1], écrite sur les mémoires et sous les yeux de la fille de ce peintre, la comtesse de Feuquières. Cette toile produisit, en son temps, un effet extraordinaire, si l’on en juge par la lettre qu’adressait Mme  de Coulanges, le 29 octobre 1694, à Mme  de Sévigné : « J’ai vu, dit-elle, la plus belle chose qu’on puisse jamais imaginer ; c’est un portrait de Mme  de Maintenon fait par Mignard. Elle est habillée en sainte Françoise romaine. Mignard l’a embellie ; mais c’est sans fadeur, sans incarnat, sans blanc, sans l’air de la jeunesse ; et sans toutes ces perfections, il nous fait voir un visage et une physionomie au-dessus de tout ce que l’on peut dire : des yeux animés, une grace parfaite, point d’atours, et, avec tout cela, aucun portrait ne tient devant celui-là[2]. » Voilà, avec la mention de l’abbé de Monville, un témoignage irrécusable d’authenticité, et en même temps une preuve de plus que, sur le mérite d’une œuvre d’art, il faut se défier des enthousiasmes contemporains. En effet, ce portrait si vanté n’est pas même un des bons de Mignard, à moins qu’il n’ait singulièrement changé sur la route ; il est sec et dur, et la figure est un masque.

Le second portrait représente Mme  de Maintenon à l’âge de soixante à soixante-deux ans, en pied, assise, vêtue d’une robe noire, et ayant avec elle une princesse enfant qui est debout et peut avoir dix ou douze ans. La figure est rajeunie comme dans le précédent portrait. Celui-ci est au palais de Versailles, salle de la Vaisselle d’or. À en croire le catalogue, c’est un original de Rigaud, dont un duplicata, qui se trouve dans l’aile du nord, au même palais, serait une copie par Santerre. À voir les peintures, elles ne sont toutes deux que d’assez faibles copies qui ne rappellent aucunement ni le grand air ni la couleur des œuvres de ce maître. Ce seraient plutôt des copies de Mignard. Dans touts les cas, les mains sont d’un écolier, à moins qu’elles n’aient été gâtées par les restaurateurs qui ont assassiné nombre de peintures à Versailles, et des meilleures. Du reste, le portrait porte en soi tous les caractères de l’authenticité ; il est bien du temps et offre tous les traits de la Sainte Françoise de Mignard.

M. Craufurd comptait dans sa collection un autre portrait en petit, figure entière de Mme  de Maintenon, par ce dernier peintre. Même robe fond or que dans la sainte Françoise ; même manteau doublé d’hermine retombant jusqu’à l’extrémité des pieds ; les manches retenues par des bracelets composés de rubis et d’émeraudes. La marquise, assise près d’une table chargée de livres, était dans l’attitude de la méditation, et l’ensemble du tableau rappelait de fort près le grand qui est à mi-jambe. C’est la petite toile dont Mme  de Genlis, dans sa Vie de Mme  de Maintenon, parle comme ayant été trouvée par le prince de Talleyrand à Bourbon-l’Archambult, chez une dame âgée dont la mère l’avait

  1. Vie de P. Mignard, Paris, 1730, page 173.
  2. Lettres de madame de Sévigné, tome 10, page 26 ; édition Monmerqué.