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C’étaient d’immenses pancartes ornées souvent de gravures de maîtres d’après les dessins des premiers peintres : les Le Sueur, les Le Brun, les Mignard. L’accessoire y étouffait le principal, et, dans l’espace laissé désert au milieu des feuilles, s’imprimait le texte. Une de ces thèses par G. Edelinck est un des chefs-d’œuvre de la gravure française. Nanteuil en a gravé sept, dont sa propre thèse de philosophie. Cela sent bien son grand siècle. Les moins riches, à défaut de gravure inédite, achetaient un tirage de gravure déjà parue. Une thèse s’offrit, qui avait en tête l’effigie gravée de Mme  de Maintenon, dans un cadre tout orné d’emblèmes et de devises, avec ces mots : Fait par P. Giffart, graveur du roi. 1687. Point de nom de peintre. Ce portrait était juste, en grand, mais en plus âgé, le petit portrait de Mercuri : même pose, même ajustement, coiffure, dentelles, et le reste. Certes, nulle équivoque n’était admissible touchant l’authenticité, car le portrait présenté à Mme  la marquise de Maintenon elle-même, avec solennelle dédicace en style de Thomas Diafoirus, par un sieur Leblanc de Neauville qui s’y dit de la maison de la marquise, devait offrir une effigie consacrée. J’ai retrouvé depuis deux gravures du même portrait, l’une par de Larmessin, l’autre par Lépicié. Cette dernière porte : Mignard pinxit. Le type original et donc de la main de ce peintre[1] ; qu’est-il devenu ? Dans tous les cas, on est autorisé à supposer, par la date, que c’est celui dont la Vie de Mignard fait mention sans le décrire. Ce serait le même qui fut l’objet de mauvais vers, les derniers, dit-on, qu’ait écrits le bel esprit burlesque, Paul. Scarron, et dont voici le titre et quelques strophes :

À Monsieur Mignart, le plus grand peintre de ce siècle.

[2]

Tu sais bien que le crayon
Qui se gâte à la poussière
N’est encore qu’un rayon
De sa future lumière.

Viens, viens donc demain chez moi
Finir cet ouvrage rare ;
Pour te ramener chez toi
Un convoi je te prépare.

Ce crayon dont parle le goutteux était-il le trait d’une effigie destinée à être peinte ? En d’autres termes, était-ce la première préparation à la sanguine dont Mignard le Romain avait l’habitude ? ou bien n’était-ce à la lettre qu’un crayon ou un pastel ? Les documens que nous avons recueillis jusqu’ici ne nous permettent pas de conclure ; mais ce qui importe à la question, c’est que la planche de Giffart et les deux autres qui en sont la copie nous reproduisent le nez mi-aquilin et surbaissé de la sainte Françoise, et nullement ce nez relevé des trois Petitot, ce nez qui donne au modèle un air un peu mutin.

  1. Je n’ai pas retrouvé le type des deux autres émaux.
  2. Oeuvres de M. Scarron, tome IV, page 304. Amsterdam, chez Westein, 1742.