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— Je la trouverai et je l’épouserai.

— Vous, non, dit-elle, et sa voix prit un accent soudain de mépris.

Ceci me plut. Je l’avais tirée de l’humeur songeuse où je l’avais d’abord trouvée. Je voulus la pousser plus loin.

 
 

« — Je trouverai mon orpheline, dis-je.

« Ses yeux lancèrent un éclair, ses lèvres s’ouvrirent, mais elle les ferma et se retourna brusquement.

« — Dites-moi, dites-moi où elle est, miss Keeldar ?

« — Jamais ! – Et elle fit un mouvement pour me quitter. Pouvais-je la laisser partir ? Non. J’étais allé trop, loin pour ne pas en finir, j’avais été trop près du but pour ne pas y toucher.

« — Une minute ! dis-je, en mettant ma main sur la poignée de la porte ; nous avons eu une longue conversation ; le dernier mot n’a pas été prononcé ; c’est à vous de le dire.

« — Puis-je passer ?

« — Non ; je garde la porte. J’aimerais mieux mourir maintenant que de vous laisser sortir sans avoir dit le mot que je vous demande.

« — Quel mot osez-vous attendre de moi ?

« — Celui que je meurs d’entendre, que je dois et veux entendre, que vous n’oserez plus taire.

« — Monsieur Moore, je ne sais ce que vous voulez dire. Je ne vous reconnais plus.

« Je présume que je ne devais guère être semblable à moi-même, car je l’effrayais ; il fallait l’effrayer pour la vaincre.

« — Vous savez ce que je veux dire, et pour la première fois vous me voyez tel que je suis. J’ai secoué loin de moi le précepteur, je vous montre l’homme, et souvenez-vous qu’il est gentilhomme.

« Elle tremblait. Elle mit la main sur la mienne comme pour l’écarter de la serrure. Elle aurait aussi bien fait d’essayer de détacher, avec son doux poignet, le métal soudé au métal ; Elle sentit qu’elle était sans force, et elle recula, et elle recommença à trembler.

« Quel changement se fit en moi, je ne saurais l’expliquer ; mais son émotion fit passer en moi un nouvel esprit. Je ne fus plus écrasé de la pensée de ses terres et de son or ; je n’en eus plus de souci ; ce néant ne m’épouvantait plus. Je ne voyais plus qu’elle : ses formes juvéniles et belles, la grace, la majesté, la modestie de sa virginité.

« — Mon élève ! dis-je.

« — Mon maître ! répondit-elle à voix basse.

« — J’ai quelque chose à vous dire.

« Elle attendit le front penché, les boucles de ses cheveux retombant en avant.

« — J’ai à vous dire que, pendant quatre ans, vous avez grandi dans le cœur de votre maître, et que vous y êtes maintenant enracinée. J’ai à vous déclarer que vous avez jeté sur moi un charme en dépit de ma raison et de mon expérience, en dépit des différences de rang et de fortune. Vous aviez des airs, des