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a voulu améliorer la condition du peuple ; c’est dans le même intérêt que l’on demande la suppression définitive de l’impôt sur les boissons. L’état de nos finances, avant toute autre considération, ne permet pas ce sacrifice. Il y aura lieu, sans contredit, quand nous verrons poindre le retour des prospérités publiques, à modifier largement le système des droits que les boissons acquittent ainsi que le régime beaucoup trop oppressif des octrois ; mais il ne serait ni juste ni prudent de rayer de notre code fiscal les contributions indirectes. En matière d’impôt, il ne faut d’immunités pour aucune classe de citoyens. Ne faisons pas, par une philanthropie mal entendue, dans l’intérêt du plus grand nombre, ce que nous reprochons à l’aristocratie d’avoir fait, avant 1789 ; par orgueil autant que par égoïsme. Le revenu de l’état est employé au profit de tout le monde, il convient que tout le monde y contribue On n’a pas voulu de noblesse en haut ; qu’on ne nous fasse pas, même par les privilèges en matière de finances, une noblesse d’en bas.

Ainsi, l’équilibre existe entre les divers élémens dont se forme le budget des recettes, et, s’il y a lieu à dégrever ou plutôt à modifier les contributions indirectes, il ne peut pas être sérieusement question d’apporter la moindre aggravation aux charges de l’impôt direct. M. Passy le reconnaît lui-même quand il dit que l’impôt foncier touche à ses limites extrêmes ; car les contributions directes en France sont assises presque exclusivement sur le sol. Je conviens que l’assiette de l’impôt présente une lacune regrettable. Ce système, dont la première assemblée constituante posa les bases, et dont le gouvernement impérial compléta le mécanisme, supposait une richesse mobilière peu développée, et la traitait comme un embryon dont il ne fallait pas gêner l’organisation ni la croissance. De nos jours, la fortune mobilière du pays a pris un grand essor. La contribution personnelle et mobilière, jointe à celle des patentes, ne lui fait, pas une part suffisante en l’obligeant à payer 110 millions sur les 432 millions que produit l’impôt direct. Le capitaliste qui possède des rentes sur l’état ou des valeurs de portefeuille, qui place son argent sur effets de commerce ou sur hypothèque, est infiniment mieux traité que celui qui a pour capital un fonds de terre, ou qui tire son revenu du loyer d’une maison. Il y a là une richesse beaucoup trop exonérée et qui doit tribut cependant à la puissance publique.

Lorsque les hommes qui s’étaient chargés de gérer nos finances après les convulsions de février ont entrepris de combler cette lacune de l’impôt, ils étaient donc incontestablement dans leur droit ; mais avaient-ils bien jugé l’opportunité de la tentative ? Était-ce bien au moment où la tourmente révolutionnaire, soufflant sur toutes les valeurs mobilières, les avait frappées de dépréciation et de stérilité, que l’on pouvait jeter sur ces ruines la calamité d’un nouvel impôt ? Le