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eurent été acquittées, lorsqu’on eut remboursé en quelques années la dette nationale contractée à l’occasion de cette guerre, le trésor des États-Unis se trouva avoir un excédant de recettes assez considérable, et il fallut songer à l’emploi de cet argent. On ne pouvait laisser accumuler ces excédans de recettes ; un état est dans une situation toute différente de celle des particuliers : il doit, autant que possible, laisser tout le capital national dans la circulation, et il ne saurait lui convenir de thésauriser. Était-il plus convenable de distribuer chaque année entre les états le surplus des recettes de l’Union ? La plus grosse part serait retournée aux états riches, qui s’en seraient servis pour diminuer leurs taxes locales et vivre aux dépens de la communauté. Les whigs proposèrent de donner au surplus des recettes un emploi productif en le consacrant à des travaux publics. Ils demandèrent qu’on appliquât ces fonds à la création d’une route nationale qui relierait entre eux tous les états nouveaux, à l’amélioration du cours des principales rivières, afin de les rendre toujours et facilement navigables, au creusement de canaux qui reliassent entre eux les grands lacs et les principaux cours d’eau. M. Clay présenta un vaste plan dont toutes les parties étaient liées, et qui eût créé au commerce intérieur des États-Unis tout un réseau de communications nouvelles et faciles. Il faisait valoir que tout ce qui ajoutait à la prospérité et à la richesse d’une partie de l’Union donnait un essor nouveau au commerce des autres parties et tournait au profit de la communauté.

Le parti démocratique fit à toutes ces mesures une résistance désespérée. Il dénia au gouvernement central le droit d’entreprendre des travaux publics sur le territoire des états. Il prétendit que l’adoption du plan de M. Clay donnerait une influence inconstitutionnelle au pouvoir fédéral, qui aurait les moyens de favoriser tel ou tel état en lui faisant une plus large part dans les travaux exécutés aux dépens de la communauté. Cette résistance fut victorieuse à la longue, mais seulement après que les démocrates eurent changé le terrain de la discussion. Ne pouvant contester que le gouvernement dût donner un emploi raisonnable au surplus des recettes, ils s’attaquèrent à ce surplus, et prétendirent que les recettes ne devaient jamais dépasser les dépenses. Ils établirent en principe que l’Union n’avait droit de lever des impôts que jusqu’à concurrence des dépenses fédérales, ou du montant de la dette, quand il en existe une. Tout impôt dont la recette n’est pas nécessaire pour couvrir les dépenses ou rembourser la dette fédérale est un prélèvement illégitime et inconstitutionnel sur l’avoir du peuple.

C’était là une théorie spécieuse et assurée de devenir promptement populaire ; mais elle avait l’inconvénient de renverser de fond en comble le système des droits protecteurs, dont les whigs soutinrent avec