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ardeur la légitimité. Dans le système protecteur, les droits sont calculés moins sur le produit qu’ils donneront que sur le degré de protection qui est nécessaire à l’industrie indigène. La protection est le but, et le revenu n’est que l’accessoire. Les démocrates étaient amenés, au contraire, à mettre le revenu en première ligne. Or, il peut arriver qu’un droit qui donnera un revenu suffisant ne sera pas assez élevé pour protéger efficacement l’industrie nationale. La lutte des partis se compliqua donc d’un antagonisme d’intérêts, et pour la première fois des questions de territoire intervinrent dans la politique. Les états du nord, presque tous manufacturiers, inclinèrent de plus en plus vers le parti whig, dont ils devinrent le principal appui ; les états de l’ouest, désireux d’exporter leurs grains, et les états du sud, qui ne s’enrichissent que par la vente de leurs cotons et de leurs tabacs à l’Angleterre, appréhendèrent qu’un tarif protecteur, en provoquant à Londres des représailles, ne nuisît à leurs exportations : ils furent conduits à soutenir le parti démocratique.

La lutte ne tarda pas à devenir extrêmement vive, lorsqu’au lieu de questions spéculatives des intérêts considérables s’y trouvèrent engagés. Elle prit même un caractère d’acharnement et d’animosité qui faillit compromettre l’existence de la confédération. Il sembla un moment que les exigences du nord et du sud étaient devenues tellement inconciliables, que la rupture du pacte fédéral pouvait seule empêcher une collision violente. C’est à ce moment que M. Clay s’acquit une gloire durable en s’interposant entre les partis ; tenant au sud par sa naissance, par sa résidence, par ses intérêts de propriétaire d’esclaves, et chef reconnu du parti qui avait l’influence prépondérante au nord, il se crut appelé à prendre le rôle de conciliateur. Il sut amener ses amis et ses adversaires à des concessions mutuelles, et ce qu’on a appelé l’Acte de Compromis de 1833 sauva véritablement l’intégrité de la confédération. Les questions de tarif ont sans doute continué d’être agitées, et plus d’une fois, selon les oscillations du pouvoir, des modifications ont été apportées aux droits de douane de manière à accroître ou à diminuer le degré de protection qu’ils assurent à l’industrie américaine ; mais jamais on ne s’est écarté sensiblement des principes qui servent de base au compromis.

Les questions de tarif ne sont donc plus de nature à passionner vivement les esprits aux États-Unis. La force des choses a amené le parti démocratique à accepter et même quelquefois à solliciter l’intervention du pouvoir central, quand il s’est agi de commencer ou de soutenir des entreprises considérables. C’est ainsi qu’en ce moment même les états de l’ouest sollicitent le pouvoir fédéral de faire étudier et d’entreprendre un chemin de fer pour joindre les rives du Mississipi à la Californie. De leur côté, les whigs ont renoncé à tout plan systématique