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transmettre à ses descendans. Il est vrai que ceux-ci, ayant voulu braver le Très-Haut en élevant la tour de Babel, furent frappés des confusion, et que soixante-douze et langues remplacèrent subitement la langue unique qu’ils tenaient de leurs pères ; mais l’Écriture ne dit pas en quelle année l’orgueil des hommes leur attira cette punition. Il ne serait donc pas impossible que la colonie appelée à peupler l’Europe et l’Espagne fût partie avant cette époque[1]. Elle aurait ainsi emporté avec elle le langage parlé dès les premiers âges du monde, et dès-lors les croyances populaires pourraient bien être l’expression de la vente. En tout cas, la langue euskara est infiniment supérieure à toutes les langues connues, par sa priorité, son universalité, son inépuisabilité, son naturalisme, ses inflexions,ses nuances, ses désinences, ses allusions, et son mécanisme verbal : elle renferme, en elle seule plus de radicaux qu’il n’en aurait fallu pour suffire à la formation des soixante-douze langues nées au pied de la tour de Babel[2], Donc aucune langue ne se rapproche autant qu’elle du langage révélé à Adam par le Père éternel[3]. Inspirée par Dieu, la langue euskara est aussi naturelle à l’espèce humaine que le roucoulement au pigeon, l’aboiement au chien, le mugissement au taureau. Tout homme qui commence à begayer, parle ; basque. Papa, titi, mama, caca, ces mots enfantins qu’on retrouve chez tant de peuples sont du plus pur euskarien, et signifient manger, mamelle, téter, saleté[4]. Cette langue ayant ses racines dans la nature même des choses, son étude suffit pour nous faire retrouver l’origine de tous les arts, de toutes les sciences. Ses noms de nombre renferment, dans treize paroles, tous les principes fondamentaux de la philosophie naturelle, et les mystères numériques de Platon ou de Pythagore n’ont pu être établis que sur les principes de la numération basque. L’alphabet euskarien est à lui seul toute une révélation. Son nom est Yesus. L’ensemble des cinq voyelles, prises dans le même ordre qu’en français, présente une idée complète du monde primordial et de la création[5]. Trois d’entre elles, i, a, o, réunies en un seul

  1. L’abbé d’Hiarce.
  2. D’après don Pablo de Astarloa, la langue basque possède plus de quatre milliards de mots d’une, de deux, ou de trois syllabes, non compris ceux qui en ont un plus grand nombre et ceux qui résultent de la combinaison de ces divers radicaux. (Apologia de la lengua bascongada : Madrid, 1803.) Ajoutons qu’il existe en basque des mots qui ont jusqu’à seize syllabes.
  3. Conclusions des treize théorèmes grammaticaux que l’abbé d’Hiarce croit avoir démontrés. Déjà don Pablo de Astarloa avait soutenu les mêmes prétentions dans l’ouvrage que nous venons de citer.
  4. L’abbé d’Hiarce.
  5. L’abbé d’Hiarce, Histoire des Cantabres. Don Juan Bautista de Erro y Aspiros, Alfabeto primitivo de la lengua primitiva de España. Madrid, 1806, et El Mundo primitivo, Madrid, 1815.