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mot, résument en entier le verbe adamique, expriment à la fois la vie, l’incarnation et l’esprit, le commencement, la fin et le milieu. Iao, tel est le seul vrai nom de Dieu, nom sublime, révélé dans le premier âge aux patriarches du Midi, défiguré par les lévites hébreux et les pontifes celto-romains, mais conservé de tout temps et vénéré de nos jours encore par les Euskariens[1].

En laissant de côté ce qu’ont d’exagéré et d’absurde les prétentions linguistiques des Basques, il n’en faut pas moins reconnaître que leur langue est vraiment remarquable et présente des caractères tout-à-fait spéciaux. G. de Humboldt pense qu’on ne peut la rattacher à aucune langue de la famille indo-germanique. Elle est entre autres, entièrement distincte des dialectes celtiques. Les seules langues dont elle se rapprocherait par son mécanisme grammatical seraient, d’après Humboldt, quelques langues américaines. D’un autre côté, l’abbé d’Hiarce a signalé, dans un vocabulaire rapporté par Péron de la terre de Van Diémen, plusieurs mots qu’il assure être rigoureusement basques. Il est assez étrange qu’il faille aller chercher aussi loin les seules analogies que cet idiome présente avec les langages connus. La langue basque est d’ailleurs presque impossible à apprendre pour des étrangers. Quelques-uns des théorèmes grammaticaux de l’abbé d’Hiarce donneront une idée de ses difficultés. En basque, les noms, les pronoms, les adjectifs, se changent en verbes, et les verbes se métamorphosent en noms et en adjectifs. Les propositions, les adverbes, les conjonctions, les interjections, les caractères mêmes de l’alphabet, se déclinent comme noms ou comme adjectifs, et se conjuguent comme verbes. Chaque nom a six nominatifs et douze cas différens ; les adjectifs comptent jusqu’à vingt cas. Le nom change souvent selon l’état de l’être, de la chose qu’il sert à désigner. Chaque verbe français est représenté par vingt-six verbes qui expriment chacun une modification spéciale, soit de l’action, soit de l’être ou de la chose sur laquelle s’exerce cette action. Il y a de plus quatre conjugaisons différentes, selon qu’on s’adresse à un enfant, à une femme, à un égal ou à un supérieur… Ces quelques citations de notre auteur suffiront, je pense, pour réfuter une de ses assertions, savoir, que la langue euskerienne pourrait très aisément devenir un langage universel. Bien loin qu’il en soit ainsi, elle est toujours restée confinée chez les Basques. Ceux-ci apprennent assez facilement l’espagnol ou le français ; mais la réciproque n’a jamais lieu.

Une histoire qui commence au plus tard cinq cent trente-cinq ans après le déluge doit présenter quelque étrangeté. Aussi voit-on bientôt paraître à côté des patriarches des personnages d’origine fort différente. Après la mort de Tarsis, les Euskariens d’Espagne élisent pour

  1. Philosophie des religions comparées, par Augustin Chaho.