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Ce fait, accepté par l’illustre Guillaume de Humboldt, qui fit le voyage de Biscaye tout exprès pour en vérifier l’exactitude, confirme au moins une des traditions euskariennes. Depuis Leibnitz, les noms de lieu, qui changent si difficilement, sont considérés avec raison comme un des indices les plus constans qui puissent nous aider à retrouver la trace de populations éteintes ou transportées. En combinant les données fournies par cette étude avec quelques passages des historiens grecs et romains, on est conduit à admettre que la race basque a eu jadis une extension de beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui. Il est probable qu’elle occupait une grande portion de l’Italie, les côtes orientales de la Gaule, l’Espagne tout entière, et qu’elle se partageait les îles de la Méditerranée avec les Libyens[1]. C’est aux peuples de cette race que Prichart donné le nom d’Ibères. Ces peuples paraissent avoir atteint, de bonne heure un certain degré de civilisation. Ils connaissaient l’écriture, et leur alphabet, dérivé sans doute de l’alphabet phénicien, ressemblait à celui de quelques anciennes nations italiques.

La science moderne a été moins heureuse quand elle a cherché rattacher les Espagnols primitifs à l’une des grandes familles qui servent à classer les races humaines : Ici, tout est conjecture. Bory Saint-Vincent a fait venir les premiers habitans de l’Espagne de la fabuleuse Atlantide de Platon[2]. M. Petit-Radel les regarde comme sortis du Latium et de l’Étrurie[3] MM. Michelet[4] et de Brotonne[5] voient en eux une race celtique. M. Graslin en fait un rameau celto-scythique[6]. Quelques-uns de ces auteurs distinguent en outre les premiers Ibères des peuples qui parlent euskara, et refusent à ces derniers l’importance que nous leur avons accordée avec les ethnologistes les plus distingués[7]. Deux savans du plus grand mérite ont cherché à rattacher les Euskariens aux Finois[8]. M. Dartey, de son côté, les rapproche

  1. Les Libyens sont les ancêtres des Berbères modernes, et formaient un rameau de la grande race sémitique ou syro-arabe. Ils occupaient la côte septentrionale de l’Afrique, depuis l’Égypte jusqu’au détroit de Gibraltar, et toute la portion occidentale du continent africain connu des Romains et des Grecs. (Prichart, Histoire naturelle de l’homme, traduit par le docteur Roulin ; Paris, 1843.)
  2. Essai géologique sur le genre humain ; Paris.
  3. Mémoire sur les anciennes villes d’Espagne ; Paris, 1837.
  4. Histoire de France.
  5. Histoire de la filiation et de la migration des peuples ; Paris, 1837.
  6. De l’Ibérie, conclusions.
  7. Abel de Rémusat, G. de Humboldt, A de Humboldt, Prichart, etc.
  8. MM. Arndt (Uber die Verwandschaft der europeischen Sprachen ; 1810) et Rask (Uber das Alter und AEchteil der Zend-Sprache ; 1826). La race finoise, venue de l’Asie, parait, d’après les travaux de ces savans, confirmés par les recherches ostéographiques de M. Retzius, avoir occupé une grande partie de l’Europe antérieurement à l’invasion celtique. C’est d’elle, entre autres, que descendent les Magyars, dont l’origine a été si long-temps un problème, qui, eux aussi, ont eu la prétention de descendre en ligne droite des premiers patriarches et de parler la langue d’Adam. Les traditions du Nord nous représentent les premiers Finois comme des hommes très grands, à peau blanche, à cheveux rouges et à yeux bleus. On retrouve toujours des traces plus ou moins profondes de ces caractères physiques chez les peuples sortis de cette souche, et nous verrons plus loin combien ce type est éloigné du type basque.