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des forges. En cas d’envahissement du territoire, la population devait se lever en masse. À ces conditions, les provinces étaient exemptes de tous droits, tailles et impôts ; leur commerce était entièrement libre, et elles n’accordaient en hommes ou en argent que ce qu’elles jugeaient convenable. Le Guipuzcoa, placé à l’extrême frontière, avait sur son territoire quelques places fortes où les rois d’Espagne tenaient garnison. Il recevait en outre un commandant-général, qui habitait d’ordinaire à Saint-Sébastien[1] ; mais cet officier ne pouvait rien par lui-même, et son rôle se bornait à s’entendre avec les alcades sur les questions relatives à la défense du pays. Quant à la Biscaye, un de ses droits les plus essentiels était de n’avoir dans toute l’étendue de son territoire ni troupes ni forteresses royales ; le souverain, lui-même, lorsqu’il entrait dans certaines villes, devait laisser en dehors tous ses hommes d’armes et ne garder autour de lui qu’une faible escorte dont le chiffre était soigneusement spécifié. Le régime intérieur de la Biscaye et du Guipuzcoa différait à certains égards ; mais il y avait ceci de commun, qu’indépendamment des franchises générales chaque ville, chaque village, pour ainsi dire, avait son administration particuliers entièrement indépendante, et souvent ses lois à part, ses privilèges spéciaux. La province était en réalité un état fédératif, composé d’un grand nombre de petites républiques gouvernées par leurs alcades et leurs ayuntamientos[2], et qui toutes avaient leurs représentans dans les états provinciaux, appelés bilzar. À ceux-ci étaient réservés l’administration générale, la fixation des impôts, et surtout le soin de conserver intact le dépôt des fueros.

Pour faire partie de cette assemblée nationale, il suffisait d’être Basque ou plutôt propriétaire. La hiérarchie féodale, telle qu’on la retrouve partout ailleurs en Europe, n’a jamais existé chez les Euskeriens. Il est vrai que tous les Guipuzcoans étaient nobles de naissance et jouissaient en Espagne de tous les droits attachés à cette qualité ; il est vrai que certaines villes de la Biscaye et de l’Alava conféraient les mêmes avantages à leurs habitans ; mais c’étaient là autant de privilèges extérieurs en quelque sorte, et qui n’avaient aucune valeur dans les pays basques. Les titres même les plus élevés, conférés par les rois d’Espagne à certaines familles, n’établissaient en leur faveur aucune distinction réelle parmi leurs concitoyens. En Guipuzcoa, en Biscaye,

  1. Cette circonstance a fait regarder Saint-Sébastien comme la capitale du Guipuzcoa ; mais cette expression est loin d’être exacte, car, dans cette province, le siége du bilzar ou assemblée générale annuelle et de la junte gouvernementale change tous les ans. Il n’y a donc pas de capitale proprement dite.
  2. La Biscaye comptait cent dix infanzonades ou petites républiques ayant droit d’envoyer des délégués à l’assemblée générale. Le Guipuzcoa était moins divisé. (Aperçus sur la Biscaye, les Asturies et la Galice, par le comte Louis de Marillac ; Paris, 1807.)