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plutôt des alliés qu’il fallait ménager que de véritables sujets. Toujours prêtes à reconquérir une entière indépendance, on les voit saisir hardiment la première occasion de prendre de sanglantes revanches, et, l’on compte plus d’une localité dont le nom est répété dans le pays basque avec autant d’orgueil que celui de Roncevaux. Toutefois, à mesure que les états voisins de la confédération euskarienne se développaient, ils absorbaient les membres de ce corps qui n’avait jamais été bien homogène[1] ; mais partout nous voyons les souverains accorder à ces nouveaux feudataires des privilèges exceptionnels et les laisser se gouverner selon leurs us et coutumes[2]. Mieux que toutes les autres provinces basques, la Biscaye et le Guipuzcoa ont conservé le langage, les mœurs, les institutions de leurs ancêtres, et il y a certes quelque chose d’étrange à retrouver en plein XIXe siècle, à deux pas de la France, une société du moyen-âge[3].

Les franchises du pays basque, devenues si célèbres sous le nom de fueros, réglaient à la fois les rapports avec la couronne d’Espagne et l’organisation intérieure de chaque province. Sur le premier point, elles étaient à peu près les mêmes pour la Biscaye et le Guipuzcoa Le roi de Castille était seigneur suzerain ; on lui devait foi et hommage ; il prélevait une légère redevance sur quelques maisons et sur le produit

  1. Le Garazi, habité par les Basques navarrais, fut réuni au royaume de ce nom en 906 par Sanche-le-Grand. L’Alava reconnut volontairement la souveraineté d’Alphonse XI, roi de Castille, en 1330. Trois années après, ce souverain reçut aux mêmes conditions la soumission du Guipuzcoa et de la Biscaye. La Terme de Labourt, ou pays basque français, resta long-temps à l’état de lande sauvage et inculte. Il fut acheté en 1106 par les Basques guipuzcoans, qui, pour 3,306 florins d’or, obtinrent de Guittard, vicomte de Labourt et de Marennes, le droit de le défricher et d’en jouir en toute franchise. Depuis cette époque, le Labourt partagea toutes les vicissitudes de cette portion du territoire, et fut définitivement réuni à la France par Charles VII en 1451. (Histoire des Cantabres.)
  2. En France même, les Labourtains étaient exempts de toute taxe, taille et impôt, moyennant une subvention annuelle de 353 livres 10 sols et l’entretien d’un corps de milice de mille hommes, destinés à la garde des frontières. Pendant les guerres de Louis XIV, le Labourt s’imposa volontairement un subside ale 22,600 livres, mais en faisant toutes réserves pour ses privilèges, qui furent respectés jusqu’à l’époque de la révolution.
  3. On sait combien étaient minutieuses les précautions prises par les Basques pour assurer le maintient de leurs franchises contre les envahissemens de la couronne. En Biscaye, le seigneur de Biscaye, -car les fueros ne donnent pris d’autre titre au roi de Castille, devait venir en personne jurer de les maintenir. Il prêtait quatre sermons solennels : le premier aux portes de Bilbao, devant l’assemblée générale ; le second à San-Méteria Celedon de Larravezua devant le clergé en habits pontificaux, et portant le corps consacré de Notre-Seigneur ; le troisième sous le fameux chêne de Guernica, où se tenaient les juntes de Biscaye ; le quatrième, enfin, sur l’autel de sainte Euphémie, dans la ville de Bermeo. Faute d’avoir rempli ces formalités un an après est avoir reçu sommation, le roi de Castille perdait tout droit aux redevances de la province, et l’on n’était plus tenu d’obéir à ses injonctions.