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que sa conduite avait eue sur les résultats de l’élection présidentielle. Ses progrès furent rapides dans tous les états du nord, où elle s’accrut aux dépens du parti whig, et où elle commença à entamer le parti démocratique. Il fallut bientôt compter dans tout le nord avec les abolitionistes modérés, qui prenaient le nom de partisans de la liberté du sol (free-soilers). Ceux-ci réussirent à pénétrer non-seulement dans la législature des états, mais même dans la législature fédérale. Leur plan d’attaque a consisté à demander tous les ans au congrès l’abolition de l’esclavage dans le district fédéral, sur lequel il a tout pouvoir. Les députés des états à esclaves ont combattu avec obstination et colère cette proposition, soutenant que la législature fédérale donnerait par là un exemple dangereux pour leur sécurité, qu’elle paraîtrait condamner l’esclavage en principe, et qu’ainsi elle violerait indirectement la constitution, qui lui interdit de toucher aux institutions particulières du sud. Pour mettre fin à une lutte qui, tous les ans, devenait plus ardente, et donnait lieu, au sein même du congrès, à de violens conflits, les deux chambres sont tombées d’accord pour rétrocéder à la Virginie la ville d’Alexandrie et la portion du district fédéral qui avait été donnée par cet état ; mais les free-soilers n’ont pas lâché prise : ils continuent à renouveler tous les ans leur proposition, et il est probable que, cette année, le congrès rendra à l’état de Maryland la seconde moitié du district fédéral, qui se trouvera réduit aux murs de Washington. Nous ne répondons pas que cette mesure suffise pour couper court à cette agitation irritante qui a si bien réussi aux abolitionistes ; mais, comme le nombre des esclaves qui ont pu être amenés à Washington par des députés ou des sénateurs du sud ne dépasse peut-être pas deux cents, il est évident que l’abolition de l’esclavage dans le district fédéral, si on continue à la demander, ne sera plus qu’un prétexte pour inquiéter et alarmer une moitié de l’Union.

Les partisans de la liberté du sol devaient être et ont été, en effet, les adversaires de l’annexion du Texas, qui livrait à l’esclavage un territoire égal aux deux tiers de la France ; ils ont combattu avec acharnement la guerre du Mexique, entreprise par les démocrates pour livrer aux états du sud de nouvelles provinces. L’irritation que ces deux mesures ont produite dans les états du nord a contribué puissamment à développer le parti des free-soilers, et elle a fait éclore la question dite du proviso de Wilmot. Lorsque la guerre eut été engagée, il fallut que le président Polk demandât au congrès les crédits nécessaires pour la soutenir : un député de la Pensylvanie, M. David Wilmot, déclara qu’il ne voulait pas mettre le gouvernement hors d’état de défendre l’honneur du pays, mais qu’il ne voulait pas non plus que l’argent de la confédération servît à étendre la plaie de l’esclavage : il mettait donc à son concours la condition préalable que