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c’est un animalcule ou un grain de pollen qui pénètre dans l’ovule, soit animal, soit végétal, et qui se développe dans cette espèce de nid. Pour eux, la femelle est entièrement passive, et n’est pour ainsi dire qu’une espèce de serre-chaude ou une machine à couver plus parfaite, il est vrai, que le four des Égyptiens ou nos couveuses de fer-blanc[1].

Des observations plus précises, des méthodes plus sévères, ont fait justice de ces dernières erreurs. Après avoir trop long-temps cherché à suppléer par l’imagination à ce que leur refusait la science, après avoir voulu expliquer ce qu’on n’explique pas, les embrogénistes en reviennent, de nos jours, à l’expérience seule. Eh bien ! celle-ci nous apprend que dans les deux règnes l’épigénèse, ou formation successive, est la grande loi qui préside non-seulement au développement, mais encore à l’organisation même des germes. Bourgeons, bulbilles, oeufs ou graines, tous ces corps reproducteurs naissent d’un individu déjà existant, qui les fabrique de sa propre substance, sous l’influence de la vie et par suite de phénomènes de nutrition et de sécrétion semblables à ceux d’où résultent tous les autres produits de l’organisme. D’abord imparfaits, ces germes se complètent successivement, et ne deviennent aptes à remplir leurs importantes fonctions qu’après être parvenus à maturité. Les uns, comme nous l’avons dit plus haut, possèdent en eux-mêmes toute l’activité vitale nécessaire à leur développement : il n’y a alors, à proprement parler, ni père ni mère ; d’autres, au contraire, ont besoin de l’intervention d’un agent spécial, et alors seulement apparaît la distinction des sexes qui, tous deux, concourent activement à la reproduction de leur espèce. Dans la plante comme dans l’animal, la femelle sécrète un germe qui devra être féconde ; le mâle produit un liquide fécondateur. Du contact de ces deux élémens résulte l’apparition d’un nouvel être. Quel est donc le rôle qui revient à chacun d’eux dans l’accomplissement de cet acte ?

Animal ou végétal, le bourgeon est vivant, puisqu’il n’est qu’une partie de la mère. Animal ou végétal, le bulbille est vivant, puisque, séparé de la mère, il croit et se développe. La graine, l’oeuf fécondé, sont également vivans, quoique l’un et l’autre puissent présenter, pendant un laps de temps plus ou moins considérable, les apparences d’une matière inerte. L’oeuf que vous conservez pour les besoins du ménage est-il mort ? Non ; car, placé sous la poule couveuse, il donnera naissance à un poulet. Les céréales trouvées dans les tombeaux de Thèbes par les savans de l’expédition d’Égypte étaient-elles mortes ? Non ; car, jetées en terre, elles ont germé et reproduit leurs parens disparus depuis trente ou quarante siècles. Dans les deux cas, la vie était à l’état latent : elle attendait, pour se manifester, un concours de circonstances

  1. On sait que les oeufs d’oiseaux peuvent être couvés artificiellement, et que les Égyptiens employaient des fours construits d’une manière particulière pour faire éclore à la fois un grand nombre de poulets.