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favorables. Comme celle des individus adultes, la vie des germes a ses bornes, qui parient selon les espèces. Trop long-temps conservé, l’oeuf entre en décomposition, et certaines semences perdent assez promptement la faculté de germer. Mais cette vie de l’élément femelle lui appartient-elle en propre ? L’oeuf non fécondé est-il déjà organisé et vivant, ou bien l’élément mâle a-t-il agi comme le flambeau de Prométhée ? a t-il vraiment vivifié une matière jusque-là morte ? Ce qui se passe chez les femelles nous permet de résoudre cette curieuse question au moins pour les animaux.

Au sortir du corps de la mère, l’oeuf de ces annélides se compose, comme tout oeuf complet, de quatre parties distinctes, savoir : d’un jaune ou vitellus, d’une vésicule germinative ou vésicule de Purkinje, placée dans l’intérieur du jaune ; d’une tache germinative ou tache de Wagner renfermée dans la vésicule ; enfin d’une membrane très fine qui enveloppe le tout[1]. La tache et la vésicule sont deux petits globules transparens. Le jaune est formé de granulations opaques très fines réunies par une gangue parfaitement diaphane. Plongez un de ces oeufs dans l’eau de mer où nagent quelques animalcules fécondateurs, et, après quelques instans d’immersion, vous le verrez devenir le siége d’un travail que l’on suit aisément au microscope. Une force mystérieuse semble pétrir en tous sens ses élémens pour les mélanger l’un à l’autre. Le jaune éprouve des mouvemens alternatifs de contraction et d’expansion ; la tache, la vésicule, disparaissent successivement ; un globule transparent s’échappe du milieu du vitellus, et alors commence le singulier phénomène découvert par MM. Prévost et Dumas[2]. Un sillon circulaire se creuse autour du vitellus, qui se partage spontanément, d’abord en deux, puis en quatre, et va se subdivisant ainsi successivement jusqu’à n’être plus composé que de très petits globules. À mesure que ce fractionnement avance, les granulations opaques du vitellus diminuent, puis disparaissent. La masse entière prend l’aspect des jeunes tissus. À cette époque, on ne tarde pas à voir s’élever quelques petits filamens, d’abord immobiles, qui bientôt s’agitent et frappent le liquide à coups saccadés. Ces filamens se multiplient de plus en plus. Alors la jeune hermelle, après s’être balancée quelque temps comme pour essayer ses organes naissans, quitte tout à coup le plan solide qui la portait et s’élance dans le liquide sous la forme d’une petite larve irrégulièrement sphérique, entièrement hérissée de cils vibratiles.

Tels sont en résumé les phénomènes que présente l’œuf fécondé des

  1. On sait que dans les oeufs d’oiseau, par exemple, le blanc ou albumen et la coque ne sont que des parties accessoires.
  2. Le fractionnement du vitellus découvert par ces physiologistes dans l’oeuf des grenouilles a été depuis retrouvé chez tous les animaux qu’on a étudiés dans des conditions favorables.