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l’unité absolue et l’identification complète de la race slave avec la Sainte-Russie, depuis ses plus obscures origines jusqu’à nos jours. Quant au but, ajoute M. Robert, c’est la centralisation impériale et la personnification du slavisme dans l’autocratie. Aussi bien, que font les écrivains officiels ? Dans l’histoire comme dans la politique, leur constant effort n’est-il pas de ramener toute la race à l’unité ? L’écrivain Vénéline ne voyait dans les Serbes qu’une branche des Cosaques émigrée au-delà du Danube, dans les Bulgares que les Russes du Volga passés avec le temps en Thrace et dans le Balkan, où ils n’ont pas, disait-il, cessé un moment d’être des fils dévoués de la Russie, destinés à rentrer un jour dans le giron de leur mère-patrie. Il s’est rencontré de même des historiens pour prouver que la Pologne n’avait jamais eu d’existence distincte, qu’elle est sortie du sein du peuple russe, et qu’elle y retourne de droit et de fait.

Le comte Adam Gurowski, auteur d’un livre sur le panslavisme, est plus explicite encore que les écrivains officiels de la Russie. Suivant lui, cette puissance, après avoir fait entrer les Slaves dans la véritable vie historique, arrive sur la scène du monde avec toutes les conditions requises pour leur assurer une grande action dans le présent et un développement immense dans l’avenir. Aucune nation n’a pris place dans le rang des états avec une telle plénitude, une telle vigueur des élémens primordiaux nécessaires à la fondation et à la durée d’un empire. La Russie, d’après M. Gurowski, possède l’unité religieuse, et la religion, échauffant, animant les cœurs des Slaves, ses coreligionnaires, constitue leur unité nationale. Enfin, tous ces principes de vie morale se concentrent, pour leur plus grande expansivité, dans un pouvoir énergique et suprême en qui est incarnée la mission même des races slaves. « Quand la pensée s’engage dans cette immensité, dans ces profondeurs incommensurables, s’écrie M. Gurowski quand on contemple les ressources inépuisables de cet empire, la raison sent qu’elle ne peut presque y suffire, et, à la vue de ce mystérieux infini, un sentiment d’une vague terreur s’empire de l’ame. Et pourtant la Russie, c’est la plus pure affirmation de l’existence originelle, indépendante, politique et intellectuelle du Slave, existence dont depuis long-temps l’Occident s’est constitué la négation. — L’immense Slavie, ajoute M. Gurowski, est bien autrement indivisible, comme œuvre de la création, que ne l’étaient les empires de l’antiquité reculée, que ne le furent la république romaine et la république française, ou l’empire napoléonien ! Et la Russie est non-seulement le cœur, mais à elle seule presque tout le corps qui représente cette indivisibilité. Ce qui reste encore en dehors de son orbite y gravitera en vertu des lois éternelles d’attraction applicables aussi bien aux corps physiques qu’aux races et aux nations. » En d’autres termes, selon les panslavistes officiels, la