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sont rendus coupables de beaucoup de torts envers l’église gréco-catholique. D’après le même écrivain, ces torts viendraient principalement de l’ignorance des choses slaves, des rapports inexacts des missionnaires latins. Le collège des cardinaux, qui devrait être le vrai sénat de l’église universelle, n’est composé que de prélats du rite latin, étrangers aux langues et aux usages gréco-slaves, et il suffirait qu’aux cardinaux latins fussent adjoints, dans le sacré collège, des cardinaux de tous les autres rites catholiques avec une commission de prêtres orientaux, pour que la papauté pût regagner en Russie tout le terrain qu’elle a perdu.

Ces difficultés, à la vérité, ne sont point de celles que l’on peut appeler révolutionnaires ; il en est d’autres qui sortent du sein même de l’église grecque, et qui, se combinant avec certaines idées philosophiques, conduisent aux plus redoutables excès de la pensée. Tout ce que le philosophisme de l’Allemagne a pu imaginer de plus profondément radical se rencontre là, non point à l’état de théorie, mais à l’état d’essai, non point seulement dans les classes lettrées, mais dans le peuple. On le sait, sous le règne de Catherine et sous celui d’Alexandre, un mouvement religieux empreint d’un certain mysticisme qui devait être raillé par Catherine, mais qui ne pouvait point déplaire à Alexandre ni à son peuple, occupa plus d’une fois les imaginations. Un Français, Saint-Martin, lui avait donné l’impulsion en l’enveloppant sous une forme maçonnique. Des laïques des plus bautes familles, des évêques même, se laissèrent enrôler dans cette secte, qui, mêlant plus tard les doctrines de M. de Maistre à celles de Mme de Krüdnel, donna naissance à une sorte de néo-christianisme très difficile à définir. Ces vagues tendances, étrangères à l’église officielle, n’ont point disparu avec les martinistes. Certains slavistes, plus ou moins libéraux, de la couleur du Lithuanien Towianski, s’en sont emparés. De là le messianisme, théorie démocratique et sociale dont quelques Polonais se sont faits les adeptes, et qui est aussi la philosophie de la plupart des panslavistes russes. La pensée des écrivains, ne pouvant guère prendre les allures franches du rationalisme, portée d’ailleurs à beaucoup accorder au sentiment, se cache sous les odes religieux du mysticisme. Quant à la noblesse, également éloignée de l’orthodoxie de l’église et du mysticisme des écrivains, on pourrait dire, qu’elle en est, en matière religieuse, au voltairianisme pur et simple. Les enseignemens de Catherine lui ont en ce point profité plus que ceux d’Alexandre. On ne remonte guère du scepticisme à la foi de l’église. Et si l’on considère combien le nnysticisme est naturel à la nation russe, si l’on se rappelle élue des hommes tels que Potemkine et Souwaroff, par exemple, furent, aussi bien qu’Alexandre, de dévots apôtres de cette doctrine, on concevra difficilement que la noblesse russe sorte de son scepticisme